Disparition d’Eléonore Hirt

Elle s’est éteinte le vendredi 27 janvier, le même jour qu’Emmanuelle Riva. Elle avait 97 ans et une très belle carrière au théâtre, au cinéma, à la télévision. Ses amis lui diront adieu le lundi 6 février à 10h au Crématorium du Val de Bièvre (8 rue Ricardo) à Arcueil (94110).
Étrange rendez-vous du destin: Eléonore Hirt s’est éteinte le même jour qu’Emmanuelle Riva, vendredi 27 janvier. Elles étaient proches par la beauté, la voix unique, l’intelligence et le spectre très large de leur talent profond. Eléonore Hirt avait 97 ans et avait été la première épouse de Michel Piccoli.
C’était une femme douce, réservée, mais aussi malicieuse et brillante. Une femme d’une beauté lumineuse à la très longue et belle carrière. Au cinéma, à la télévision, mais surtout au théâtre, son pays préféré, elle aura eu un parcours très intéressant, contrasté et audacieux.
Eléonore Hirt était née en Suisse, à Bâle, le 19 décembre 1919. C’est à Paris qu’elle avait fait ses études d’art dramatique et c’est dans ce cours qu’elle avait rencontré Michel Piccoli, jeune apprenti comédien, de six ans son cadet, un beau ténébreux qui séduit la fine jeune fille. Ils se marient tôt. Ils ont une fille, Anne-Cordelia.
Très vite Eléonore Hirt côtoie tout ce que le théâtre compte d’important, de jeune, d’innovant. Sa carrière commence alors qu’elle n’a pas vingt ans: elle joue Noces de sang de Lorca, sous la direction de Marcel Herrand, à l’Atelier, dès 1938 et appartient à cette génération qui a joué avec les très grands hommes de théâtre, Charles Dullin, Jean-Louis Barrault.(…)
On ne fera pas ici tout le chemin d’Eléonore Hirt d’une manière détaillée: au cinéma, son premier beau rôle est pour Vie privée de Louis Malle en 1961 et on la retrouve, irrésisitible dans What’s new Pussycat? de Clive Donner en 1965.
Elle tournera ensuite avec Anatole Litvak, Alain Jessua, Pierre Granier-Deferre, Christopher Miles, Bertarnd Blier, Gérard Mordillat, Fabien Onteniente et en 2009, elle est à l’affiche de Mères et filles de Julie Lopes Curval.
Cependant elle tourne aussi pour la télévision. Elle est une Elisabeth 1ère d’Angleterre d’une rigueur absolue dans Marie Stuart par Stellio Lorenzi et participe à toutes les dramatiques récurrentes d’alors: les Cinq dernières minutes, La Caméra explore le temps, Au Théâtre ce soir, notamment.

Mais on l’a dit, c’est le théâtre qui a sa préférence. Une soixantaine de pièces au moins sur son long chemin. Citons par exemple Comédie de Beckett qu’elle crée avec Delphine Seyrig et Michael Lonsdale en 1964, sous la direction de Jean-Marie Serreau: un spectateur ébloui en fera un film! C’est Marin Karmitz. Plus tard, en 2006, aux Bouffes du Nord, Michael Lonsdale et Eléonore Hirt se retrouveront pour rejouer Comédie et d’autres pièces brèves du grand écrivain.
Très important aussi, dans les débuts de sa carrière, L’État de siège d’Albert Camus, créé par Jean-Louis Barrault avec Maria Casarès, Madeleine Renaud, Pierre Brasseur, notamment. C’est à Marigny en 1948. Décors de balthus, musique d’Arthur Honegger. Un événement.
En 1965, dans la cour d’Honneur du palais des Papes d’Avignon, Michael Cacoyannis réunit des comédiennes extraordinaires pour jouer Les Troyennes d’Euripide dans une adaptation de Jean-Paul Sartre: Judith Magre, François Fabian, Eléonore Hirt. Elle aura tout joué. Des classiques: Molière, Marivaux, Balzac, Strindberg, Pirandello, Brecht mais surtout des contemporains: Ionesco, Manet, Billetdoux, Haïm, Bourgade, Bernhard.
Dans les dernières années de ce beau parcours, elle a fait confiance à Jean-Baptiste Sastre et travaillé sous sa direction de Genet à Marivaux. Quelques jalons dans une vie consacrée aux grands textes mais aussi à l’amitié, à la famille. Elle dispensait sa lumière avec une générosité de fée.

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