Une fois de plus, c’est le pluralisme des sensibilités qui n’est pas respecté, et les principes démocratiques un peu plus foulés aux pieds. Le lobbying motivé par des intérêts idéologiques et, plus graves, financiers, n’a pas sa place dans les institutions républicaines, a fortiori lorsqu’il est à sens unique. Hier, le député Front national du Gard Gilbert Collard informait les Français des cadeaux offerts par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)*, reconnue d’utilité publique, aux représentants du peuple français à l’Assemblée nationale. Les deux ouvrages en question sont édités dans la collection Valeurs d’islam de Fondapol. Il s’agit de Coran, clés de lecture par l’imam et théologien musulman Tareq Obrou, et du Pluralisme religieux en islam, ou la conscience de l’altérité par l’islamologue Éric Geoffroy.
Je n’ai lu que le premier cité, au demeurant fort intéressant et ne prétendant pas à l’exhaustivité ; il n’est d’ailleurs pour moi pas question de critiquer les qualités intrinsèques de ces écrits. Il est même fort intéressant, pour un personnage public, de connaître les fondements des grandes religions monothéistes ; cependant, il ne sera jamais du rôle de l’État, de ses représentants ou des journalistes de se substituer aux acteurs religieux pour pratiquer une mauvaise exégèse des textes.
Non, le rôle du politique est, tout au contraire, de définir ce qui dans les pratiques religieuses est compatible ou non avec notre civilisation et les institutions qui l’incarnent. Un président de la République n’a pas à dire quel islam est le « vrai » ou le « bon » mais ce qui dans l’islam est tolérable sur le territoire français. Le port du niqab est, par exemple, intolérable car il peut entraver la police nationale dans sa mission d’identification des personnes, et qu’il ne correspond pas à nos valeurs. Le refus de manger du porc dans le cadre privé n’est, en revanche, pas incompatible avec la France et la République car il relève d’un choix individuel qui n’a pas de conséquences dans l’espace public.
La place des think tank politiques (pour reprendre la terminologie anglo-saxonne en usage) est un autre sujet d’inquiétude. Ces groupements agissent en lobbys d’influence sur les hommes politiques et ne sont pas représentatifs de l’intégralité du corps électoral. Fondapol, organe diffuseur des deux ouvrages susmentionnés, est grassement financé par l’État et les grands groupes privés. Dès sa création, la fondation fut déclarée d’« utilité publique ». Or figurent à son organigramme des personnalités notablement connues pour leurs engagements partisans, tels le professeur Dominique Reynié, ou le représentant de l’aile libérale de l’UMP, Charles Beigbeder.
Imaginons un instant le tollé si une fondation déclarée d’« intérêt public », subventionnée par les deniers publics et des intérêts privés, présentant parmi ses dirigeants des cadres du Front national et Éric Zemmour, se mettait à distribuer des ouvrages de théologie aux députés… Une fois de plus, c’est le pluralisme des sensibilités qui n’est pas respecté, et les principes démocratiques un peu plus foulés aux pieds. Le lobbying motivé par des intérêts idéologiques et, plus graves, financiers, n’a pas sa place dans les institutions républicaines, a fortiori lorsqu’il est à sens unique.
*Une fondation libérale, progressiste et européenne
Née en 2004, la Fondation pour l’innovation politique contribue au pluralisme de la pensée et au renouvellement du débat public. Elle s’inscrit dans une perspective libérale, progressiste et européenne.
Lieu d’expertise, de réflexion et de débat, la Fondation s’attache à décrire et à comprendre la société française et européenne en devenir. Le vieillissement démographique, le poids croissant des enjeux environnementaux ou la globalisation sont quelques-uns des phénomènes qui œuvrent à l’émergence d’un monde nouveau. L’analyse de ces transformations et de leurs conséquences sur notre vie politique constitue le cœur des travaux de la Fondation.
La Fondation ne saurait limiter son activité à l’observation. Si elle doit prendre une part active au débat intellectuel, elle doit, à la différence d’un centre de recherche universitaire, être capable de formuler des propositions et des recommandations innovantes à l’adresse des acteurs politiques, économiques et sociaux, tant publics que privés, français et européens.
La Fondation pour l’innovation politique est reconnue d’utilité publique. Elle est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. Le soutien des entreprises et des particuliers contribue également au développement de ses activités.
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Source Fondapol