Mon père, ce condamné à mort

Témoignage d’un fils né de parents inconnus, qui découvre à quarante ans que son père biologique, Jacques Fesch, fut condamné à mort, exécuté dans les années 50 pour le meurtre d’un policier après un braquage qui tourna mal. Aujourd’hui, Gérard Fesch se bat pour faire réhabiliter ce papa qu’il n’a jamais connu.

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«Plus que cinq heures à vivre! Dans cinq heures, je verrai Jésus!»

Ce sont les derniers écrits de Jacques Fesch, guillotiné à Paris le 1er octobre 1957 pour le meurtre d’un policier. Quarante et un ans plus tard, sur son lit d’exécution, Karla Faye Tucker prononcera presque les mêmes mots.

Jacques Fesch avait 27 ans, des cheveux blonds ébouriffés. Il s’était converti au catholicisme dans sa cellule de condamné à mort. Réveillé à 5 h 21, il a été exécuté huit minutes plus tard. L’échafaud avait été installé devant la petite porte de la cour de la Santé. Enquête canonique. Trente ans après, en septembre 1987, le cardinal archevêque de Paris, Mgr Jean-Marie Lustiger, signe le décret d’ouverture de l’enquête canonique visant à la béatification de Jacques Fesch. L’archevêque, soutenu par de nombreux catholiques, dont des prêtres, a un argument imparable: «Personne n’est à jamais perdu aux yeux de Dieu.» Jacques Fesch était un enfant gâté. Il le savait: «J’ai fait du mal, beaucoup de mal, a-t-il écrit. Pas tellement par méchanceté, mais par inconscience, égoïsme et sécheresse.» Il a été élevé dans un somptueux hôtel particulier de Saint-Germain-en-Laye auprès de parents désunis.

A son procès devant la cour d’assises de la Seine, sa vie a défilé. Son père, riche banquier, dur et indifférent. Sa mère qui l’adorait, «elle le couvait», ont jugé les experts. Il a été décrit errant de collège en collège, s’essayant à l’escrime, à la trompette, à l’équitation, dépensant l’argent de son père. A 20 ans, il se marie. Un coup de tête. Ses parents pleurent. «Jacques a épousé une juive. C’est une malédiction qui tombe sur notre famille», dit le père. La mère cherche à le récupérer. Elle lui envoie une lettre: «Si tu te dégages des pattes de ces sales juifs, je te donne un million.» Jacques se dégage, revient vivre à Saint-Germain-en-Laye, s’achète une Simca grand sport avec le million. Le 25 février 1954, il veut 2,2 millions. Le prix d’un bateau, un sloop de 10 mètres qu’il a repéré à La Rochelle. Il voudrait partir dans les îles.

Il va, en début d’après-midi, dans la boutique d’un changeur de la rue Vivienne à qui il dit vouloir acheter de l’or pour 2 millions de francs. Dans sa serviette, à la place des billets de banque, il a caché un pistolet avec lequel il frappe le commerçant. Il s’empare de la caisse et s’enfuit. Des témoins de l’agression le signalent à la police. Lorsque, au pied d’un immeuble du quartier, l’agent André Vergne cherche à l’interpeller, Jacques Fesch tire. Il est myope, maladroit, affolé. Il ne vise même pas. L’agent de police est atteint d’une balle en plein coeur. Bible et prière. Dans sa cellule, Jacques Fesch lit la Bible. «Que voulez-vous qu’on fasse d’autre en prison?», lance à l’audience le célèbre Me Floriot qui défend la famille du policier. Pendant ses trois ans et demi de détention, Jacques Fesch ne se contente pas de lire la Bible. Il se prive de tabac, de sucre, de chocolat. Se choisit un confesseur, se plonge dans la prière. Quelques heures après son exécution, une centaine de catholiques parisiens assistent à une messe pour «le repos de l’âme du supplicié».

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