Les quatre premiers newsmagazines français sont en plein marasme depuis deux ans. 2017 devrait être encore pire pour cette famille de presse. Explication d’une chute prévisible.
Marianne envisagerait de demander au tribunal de commerce de Paris son placement sous sauvegarde d’ici la fin de l’année. Lors d’un récent examen des chiffres financiers de l’entreprise, les commissaires aux comptes ont déclenché une alerte. L’hebdomadaire a certes réduit ses pertes depuis sa reprise en 2014 par l’ancien patron du Figaro, Yves de Chaisemartin. Reste qu’avec 1,3 million d’euros de déficit en 2015 – et sans doute encore la moitié cette année – Marianne ne parvient plus assurer ses fins de mois. En l’occurrence, le paiement du treizième mois courant y reste en suspens. L’hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn n’a plus la baraka depuis qu’il a perdu ce qui lui tenait lieu de ligne éditoriale : l’anti-sarkozysme. Du coup, ses ventes en kiosques – le cœur du réacteur de Marianne – ont encore chuté de 14 % sur l’exercice 2015-2016. Sans prise de relais des recettes publicitaires – traditionnellement marginales – et numériques – faute de capacité d’investir – Marianne connaît un effet de ciseau redoutable. Son chiffre d’affaires, 24 millions d’euros en 2015, régressera légèrement cette année.
La question du contenu rédactionnel revient comme un leitmotiv dans la crise des quatre principaux newsmagazines hexagonaux. L’Obs, malgré une refonte en 2015 par son nouvel actionnaire, Le Monde, connaît les mêmes difficultés. Traditionnellement social-démocrate, l’hebdomadaire a effectué un coup de barre à gauche sous l’ère de sa précédente numéro 2, Aude Lancelin. Le licenciement expéditif de cette proche du mouvement gauchiste « Nuit debout » n’a pas suffi à rétablir la confiance auprès du lectorat de L’Obs. Résultat, une chute de 15 % de sa diffusion. Fer de lance du newsmagazine depuis toujours, les abonnements ont décroché l’année dernière. Contrairement à Marianne – 70 salariés environ – L’Obs est de surcroît plombé par une masse salariale pléthorique. Il emploie environ 150 personnes dont une centaine de journalistes. Record battu pour un hebdomadaire, qui laisse le temps à chacun d’écrire un livre par an ! Du coup, 38 rédacteurs quitteront L’Obs au premier trimestre 2017.
La masse salariale a, elle, d’ores et déjà été allégée à L’Express l’année dernière. La direction éditoriale du très centriste Christophe Barbier – celui qui arbore son écharpe rouge sur iTélé – s’est révélée une catastrophe (-20 % de diffusion). Le journaliste, à l’origine d’une énième formule à l’eau tiède sortie en mai, a été exfiltré par l’actionnaire SFR. Barbier n’a gardé que son éditorial à L’Express et sévit désormais sur BFM, la chaîne du groupe.
Longtemps préservé, Le Point lui-même cale. Depuis la rentrée, ses ventes se sont affaissées et ne remontent pas. L’hebdomadaire, qui a dégraissé en 2015, ne devrait dégager les bénéfices prévus (environ un million d’euros) au grand dam de son actionnaire Artemis (François Henri Pinault). En cause, une ligne de plus en plus fade, après le retrait de Franz Olivier Giesbert. Son successeur, Etienne Gernelle, affiche une ligne éditoriale bien plus modérée.
Dans ce contexte, Valeurs actuelles a tout lieu de tirer son épingle du jeu. Sa diffusion ne cesse de progresser dans ce climat pourtant délétère pour les hebdomadaires. Le titre, détenu notamment par Etienne Mougeotte, a intégré avec succès la droitisation des Français. En 2017, la fadeur de ses concurrents risque a contrario de creuser encore plus leur tombe.
Charles Mansel – Présent