Carla Ortiz, célèbre actrice bolivienne vivant aux Etats-Unis, vient de passer huit mois en Syrie afin de tourner un documentaire. Présente à Alep lors des derniers jours de la bataille, son récit diffère sensiblement de celui des médias mainstream.
Exécutions de masse, tortures, viols et autres exactions. L’armée arabe syrienne a été accusée de tous les maux au crépuscule de la bataille d’Alep. La grande majorité des médias occidentaux s’est fait le relai de ce réquisitoire contre Bachar el-Assad et ses soldats. Pourtant, depuis la reprise totale de la ville par les forces gouvernementales et même avant, de nombreux observateurs ont remis en cause ce récit.
Durant son séjour, son équipe a tourné 300 heures d’images, parcouru les trois quarts du pays et visité des zones contrôlées par le gouvernement et l’opposition. Lors des derniers jours de la bataille d’Alep qui ont vu les civils de la partie est de la ville être évacués, Carla Ortiz était présente. Et ce qu’elle raconte tranche beaucoup avec le discours dominant en Occident.
«Il n’y a pas eu d’exécutions de masse à Alep [de la part des soldats de l’armée arabe syrienne]. Oui, bien sûr, il y a eu ces bombardements massifs. Il y avait 47 groupes terroristes, plus les rebelles, plus l’Armée syrienne libre. Tout le monde bombardait tout le monde», a-t-elle déclaré le 21 décembre sur CNN.
Sur la chaîne américaine, elle a fait un terrible récit de la situation des civils bloqués à Alep-Est durant de longs mois de combats : «Ils vous racontaient comme ils mourraient de faim, comme ils étaient privés d’éducation, comment, s’ils avaient voulu passer à n’importe quel autre quartier, les terroristes les auraient tués, comment les jeunes filles, les petites filles, étaient exploitées pour ce djihad sacré, et victimes d’abus sexuels. C’est vraiment aller trop loin.»
L’actrice et réalisatrice est également revenue sur les tweets de Bana, la petite fille syrienne qui racontait son quotidien d’enfant à Alep-Est et dont les publications ont été largement reprises par une partie de la presse occidentale.
Je veux voir une vraie vidéo. Montrez-moi une vraie vidéo du moment où elle est exfiltrée d’Alep-Est, et je le croirai «Je peux aussi vous assurer, quand je lisais les notes de préparation de tournage, à propos de ces jeunes filles qui tweetent, c’est impossible. J’ai été sur place… franchement… il n’y a pas d’internet, spécialement dans cette partie d’Alep, il n’y a pas d’électricité depuis plus de 85 jours, et très peu de gens ont la 3G ! J’étais avec des gens des Nations unies, de la BBC et de partout dans le monde, et vous ne pouvez pas envoyer un tweet lorsque vous êtes sur la ligne de front», a expliqué Carla Ortiz à CNN.
Pointée depuis des années par des observateurs du conflit tel que le spécialiste de la Syrie et chercheur à l’université de Tours Frédéric Pichon, la porosité entre les groupes de «rebelles modérés» et les djihadistes semble se confirmer avec les témoignages recueillis par Carla Ortiz. «J’étais là pendant une dizaine de jours du temps des évacuations. J’ai observé. Les gens vous racontaient leur histoire. Ils vous disaient : “Ce gars là est un terroriste.” Pour eux c’est juste Daesh. Ils se moquent de savoir si c’est un rebelle, un soldat de l’armée syrienne libre, ils se fichent de savoir ce que c’est.»
Carla Ortiz se montre également critique vis-à-vis de la couverture médiatique occidentale des événements qui se déroulent en Syrie. Se confiant à Sputnik le 28 décembre, elle s’est notamment étonnée de l’absence de reporters occidentaux au coeur de l’action : «Sur les six fronts de la guerre syrienne où je me suis rendue, incluant Alep-Est, je n’ai jamais croisé un seul journaliste étranger, mis à part ceux de RT. Alors comment des gens qui ne sont jamais allés là-bas peuvent couvrir la bataille pour la libération de la ville ou informer qu’Alep est en flammes? J’ai été au milieu des tirs et je peux raconter mon expérience. Mais eux, d’où tirent-ils leurs histoires ?»
Lors de son passage du 21 décembre sur CNN, la réalisatrice avait conclu son intervention en larmes appelant à la fin du conflit : «En tant qu’humains, en tant que femmes, nous comprenons, en tant que mères, en tant que sœurs, et plus encore en tant que filles, que nos enfants ont le droit d’avoir le choix, et toutes les décisions que nous prenons dorénavant, que ce soit dans le business du divertissement, dans le milieu des médias d’informations, doivent participer à mettre fin à cette guerre.»