Une tarte pour dimanche de Caroline Lebar

Egérie de la pâte et du verger, Caroline Lebar révèle quelques formules permettant de réaliser la plus sublime des pâtisseries françaises. Réservé aux grands gourmands.

Pour une fois que des arbres n’ont pas été abattus pour rien et transformés en pâte à papier destinée à imprimer du vent (tant on croule sous de la littérature culinaire à la seule gloire de l’auteur), saluons la sortie de cet ouvrage d’utilité publique. Si, en ces temps meurtris, nous avions besoin d’un peu de douceur, voici la lecture idéale pour renouer avec la joie de déguster les bienfaits de notre bonne vieille mère la Terre. C’est fou, le plaisir que l’on peut donner avec de l’eau, de la farine, du beurre, du sucre et quelques fruits. A la limite de la leçon de philosophie.

Ni pâtissière, ni styliste, Caroline Lebar eut un jour l’idée de photographier ses tartes dominicales et de les poster sur son compte Instagram (une application de partage de photos). Devant l’affluence de fans qui en réclamaient davantage, un éditeur gagné par le doux n’hésita pas à franchir l’étape suivante, en suggérant à la dame de publier sa collection. Trois coups de rouleau plus tard, l’affaire était conclue sous le titre Une tarte pour dimanche.

PURE AUTHENTICITÉ

Ah, si seulement les programmes électoraux pouvaient avoir cette limpidité. Non pas « la Tarte pour les nuls », ce serait réducteur, mais pour ceux qui aiment cette pâtisserie pour ce qu’elle est, une vraie tarte dans son authenticité la plus pure, dans sa vérité sensorielle, celle d’une préparation qui raconte une histoire en couleurs et en saveurs. Quoi de plus sublime, pour qui sait vivre, qu’une bonne tarte maison aux fruits de saison partagée dans la convivialité ? Un poème d’amour écrit avec des produits naturels cueillis au bon moment et respectés dans leur origine. Pas un échafaudage complexe de fantasmes mixés pour palais déjantés, travers vers le lequel dérivent ces pâtissiers reconvertis en plasticiens d’art. En décryptant une à une les tartes de Mme Lebar, de la simple fraises gariguettes-crème pâtissière à la ricotta-miel-figues-amandes en passant par la pommes-caramel-noix, la citron meringuée, l’orange-chocolat-crème à l’orange, l’abricots-mûres ou la redoutable framboises-groseilles-spéculos-crème pâtissière, nous en passons et des pas moins bonnes, un cri sort droit du cœur : « Oh, la gourmande ! » Mais pas seulement, car ces recettes-là ne sont portées ni par une architecte du sucre pédant, ni par une mamie gâteau ou une tata crumble, mais par une femme française empreinte de culture et d’harmonie.

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NUANCES CHROMATIQUES

Caroline Lebar va chercher assez loin l’équilibre dans l’équation des parfums et des textures, des matières et des arômes, combinant ici ce qu’elle n’associe pas là, selon que l’acidité se marie au moelleux ou que l’amertume s’accorde au craquant. La plupart des recettes sont agrémentées d’une petite note intitulée « Mes astuces » où notre virtuose révèle le petit tour de main ou la touche qui change tout. Une symphonie organoleptique dont elle fixe les tempos en observant la courbe du soleil sur une année complète. Tartes de printemps en andante grazioso, moelleuses et vivaces, avec la fraises-cerises et cake pistache ou la framboises-myrtilles-groseilles ; tartes d’été en alto vivace, intenses et soyeuses, comme la brugnons jaunes-brugnons blancs-compote de brugnons ou l’abricots-pistaches-crème de pistache ; tartes d’automne en allegro moderato, onctueuses et puissantes, avec la pêches-figues-mûres-crème de noisette ou la quetches-amandes grillées-crème d’amande ; tartes d’hiver en adagio, massives et chaleureuses, avec la pommes-poires-cannelle-compote de pommes poires ou la tatin-bananes épicées. Un enchevêtrement de nuances chromatiques et de tendresses gustatives gravé dans la sensualité d’un genre gastronomique où il faut montrer beaucoup d’expérience, voire de sagesse, pour éviter la fausse note, surtout si l’on expérimente des accords fantastiques.

Et comme science sans conscience n’est que ruine de l’âme, et que l’on ne plaisante pas avec la tarte, l’auteur rappelle les fondamentaux en détaillant la préparation des six pâtes à tarte utilisées dans son livre, la brisée, la sablée, la semi-feuilletée express, le sablé breton, la sucrée et la sucrée cannelle. Ne dissociant jamais le savoir-faire du faire-savoir, lorsqu’elle ne travaille pas au rouleau à pâtisserie, Caroline Lebar dirige la communication de Karl Lagerfeld, ce qui, pour le coup, n’est pas de la tarte, même si cela ne manque pas de saveur. Une autre façon de faire du bon avec du beau. Ou son contraire. L’instrument de plaisir à offrir à ceux que l’on aime.

Une tarte pour dimanche, de Caroline Lebar, Marabout, 88 p., 10,90 €.

RECETTE D’HIVER
POMMES-POIRES-CANNELLE COMPOTE POMMES POIRES
Pâte brisée pour un moule de 26 cm de diamètre.
Garniture pour 8 personnes : 2 poires williams ou comices, 2 pommes chanteclers, cannelle et sucre glace.
Compote : 2 pommes chanteclers et 2 poires williams ou comices, 1 cuillère à café de cannelle, 1 cuillère à soupe de miel.
Foncez le moule à tarte beurré et fariné avec la pâte, puis enfournez 15 min à 180°. La pâte doit être à peine dorée. Otez la pâte et laissez-la refroidir. Compote : épluchez et coupez finement les pommes et les poires. Mettez-les dans une casserole avec la cannelle, le miel et un peu d’eau. Faites frémir le tout puis couvrez et laissez cuire à feu doux une quarantaine de minutes. Nappez le fond du moule à tarte de compote.
Epluchez les pommes restantes et émincez-les finement. Epluchez et coupez les poires en petits dés. Disposez les fruits sur la compote et enfournez 30 min à 180°. Au moment de servir, saupoudrez de cannelle et de sucre glace.

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