Vaiana, la légende du bout du monde

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C’est depuis les îles océaniennes du Pacifique Sud que la jeune Vaiana, en navigatrice émérite, décide d’entamer ses recherches pour retrouver une île aussi mystérieuse que fabuleuse. Au cours de cette traversée au long cours, elle va faire équipe avec son idole, le légendaire demi-dieu Maui, qui l’aidera à sillonner les océans et à accomplir un voyage épique empli d’énormes créatures marines, de mondes sous-marins à couper le souffle mais aussi de traditions fort anciennes…

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À chaque Noël, son Walt. Et à chaque Disney, sa polémique. Le millésime 2016, Vaiana, ne fait pas exception à la règle.

Non sans raison, d’ailleurs. Aladdin avait suscité la colère des Américains d’origine arabe. Hercule avait froissé leurs concitoyens d’ascendance grecque. Mulan, qui confondait un peu Chine et Japon, avait tout autant agacé leurs compatriotes de lignée asiatique. Même la suite du Monde de Nemo avait hérissé la « communauté LGBT », pour une simple réplique, pourtant susurrée par Ellen DeGeneres, actrice plus connue pour aller au lit des femmes plutôt qu’à celui des hommes, laquelle réplique faisait état d’une « raie transsexuelle ». De quoi se sentir, pour les pontes de la firme aux oreilles rondes, un peu au fond du trou.

Pour la collection hiver de cette fin d’année prochaine, c’est au tour des Polynésiens, manifestement déterminés à n’être pas en reste à cette fête de l’esprit. Ainsi, Vaiana, héroïne âgée de seize ans, mais aux formes des plus voluptueuses, pourrait éventuellement sentir la pédophilie néo-colonialiste ; ce qui tombe mal en pleine affaire David Hamilton, artiste connu pour ses photographies de nymphettes. Pis : le demi-dieu Maui, figure centrale du polythéisme local, arborerait un embonpoint trop ostentatoire, « stéréotype typiquement américain », que dénonce Will ‘Ilolahia, de la Pacific Island Media Association. Il est un fait que les Américains, pays d’obèses raillant l’éventuelle surcharge pondérale polynésienne, c’est un peu gros.

Bref, c’était plus simple du temps de l’oncle Walt Disney, quand son studio se contentait de faire bouger des souris et des canards, tout en se limitant à l’adaptation de grands contes classiques de la vieille Europe.

Mais depuis la mort de son historique fondateur, ses successeurs ont rebattu les cartes. Mondialisation oblige, chaque film devait parler au monde entier, tandis que les USA, prônant une vision judiciarisée de la société, ouvraient grand la porte à toutes les fenêtres. Qui trop embrasse mal étreint, et à force de vouloir contenter tout un chacun, on finit immanquablement par se fâcher avec tout le monde. Comme quoi, le soft power peut porter en lui ses propres limites…
Et nos confrères du Point de noter : « À l’heure où la défense des minorités est devenue l’alpha et l’oméga du politiquement correct, chaque Disney ou presque fait l’objet d’un procès. » Et les mêmes de rappeler : « Les hommes sont représentés de façon assez négative ces temps-ci. […] Des prétendants laids et bons à rien dans Rebelle, un prince qui ne sait même pas éplucher les légumes dans La Princesse et la Grenouille, des hommes inutiles, voire mauvais dans La Reine des neiges et Maléfique, cela semble assez déséquilibré. » Et pas qu’un peu, dirions-nous…

Et voilà qui pose un problème d’une tout autre ampleur : celui du nivellement mondialiste par le bas. Ce sont ces films de super-héros hollywoodiens dans lesquels il y en a pour tout le monde : toutes les couleurs de peau, toutes les religions, tous les modes de vie, à condition toutefois que tous communient dans le même chaudron multiculturel et transnational, tout en communiant dans ce messianisme américain, le seul susceptible de nous sauver à la fois du péril islamiste, poutinien et martien. Voire plus, si affinités.

Mais voilà qui durera peut-être un peu moins longtemps que les impôts, sachant que même passablement décérébrés par le rouleau compresseur américain, les petits Terriens continueront peut-être, du moins on l’espère, de voir des films français nous parlant de la France, des films chinois ou coréens évoquant cette culture de l’ailleurs. Idem pour les autres. Des films iraniens nous faisant découvrir la civilisation perse, des films arabes permettant d’en savoir plus sur ces voisins, à la fois si proches et si lointains. Et tout pareil pour d’autres continents aux cinéphilies autrement plus imaginatives que l’actuel marais hollywoodien.

Sans diversité, il n’y a pas d’universalité qui tienne. Des artistes tels que Walt Disney ou Marcel Pagnol l’avaient jadis bien compris. Simple exemple : sur le campus de UCLA, on continue d’étudier la Trilogie marseillaise, plutôt que de perdre un temps précieux à se rincer la cervelle devant Le Cinquième Élément, de Luc Besson.

Comme quoi, le passé a encore tout l’avenir devant lui.

Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire

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