Le diable fait vendre, incontestablement. Il suffit de regarder les succès phénoménaux des films s’y rapportant ou la foule se pressant chaque année au Hellfest. Chez les catholiques, « culturels » ou pratiquants, il est pourtant le grand oublié. Les fils d’une certaine branche progressiste de l’Eglise auraient volontiers tendance à le réduire à un mythe naïf né des esprits médiévaux. De telles balivernes n’ont plus leur place dans les sociétés de la raison triomphante et du progrès universel que sont les nôtres. Dans la plupart des cours de catéchisme, le sujet est soit mis de côté, soit balayé avec un sourire. C’est aller un peu vite et il n’est pas sans conséquence de traiter le prince des ténèbres comme un vulgaire personnage de conte fantastique.
Le père Rodriguez, solide dominicain qui fût plus de dix ans l’exorciste du diocèse de Lyon, rappelle dans un ouvrage bienvenu quelques vérités élémentaires. Ceux qui s’attendent à des révélations fracassantes et à des descriptions sensationnelles seront déçus. Ange Rodriguez a rencontré bien des fois les démons tourmenteurs mais s’appuie sereinement sur la toute-puissance de la grâce : « Les chrétiens menant une vie normale de prière, de communion eucharistique, de confession et de dévotion à Marie n’ont rien à craindre du monde des ténèbres. » Son expérience de terrain témoigne cependant d’une progression des pratiques sataniques et ésotériques, réponses trouvées maladroitement par des individus broyés par le nihilisme postmoderne. La machine à briser les corps, les caractères et les âmes tourne à plein. « Déconstruisons ! » hurlent les apôtres du Progrès. Ils sont légion.
Pierre Saint-Servant – Présent
Expert en diablerie par Ange Rodriguez, Editions du Cerf, 128 pages, 12 euros.