Comédie-ballet sur une musique de Jean-Baptiste Lully, interprétée par les acteurs de la Comédie française dont Louis Seigner, Jacques Charon, Robert Hirsch, Jean Piat, Georges Descrière, Micheline Boudet… (1958)
“Le Roi ayant voulu faire un voyage à Chambord pour y prendre le divertissement de la chasse voulut donner à sa cour celui d’un ballet, et comme l’idée des Turcs, qu’on venait de voir à Paris, était encore toute récente, il crut qu’il serait bon de les faire paraître sur la scène” écrit le chevalier d’Arvieux dans ses mémoires.
Il est vrai que la visite à la Cour de l’envoyé de la Porte en novembre 1669 avait laissé un souvenir cocasse. Croyant avoir affaire à l’ambassadeur du Grand Turc en personne, Louis XIV s’était présenté dans le plus grand faste possible pour impressionner son hôte: son brocart d’or était tellement couvert de diamants “qu’il semblait environné de lumière”; son chapeau était orné d’un “bouquet de plumes magnifiques”. Les gentilshommmes étaient à l’image du maître, groupés dans la salle d’audience, où un trône d’argent avait été dressé sur une estrade.
C’est alors que le chevalier d’Arvieux, qui devait tenir la fonction d’interprète auprès du Roi, découvrit, en relisant la lettre du Grand Seigneur, que le mot “Elchi”, qui veut dire “ambassadeur”, ne s’y trouvait pas et que Soliman Aga n’était pas ambassadeur. Tout le luxe déployé se trouva alors totalement injustifié! Afin d’échapper au ridicule qui le guettait, Louis XIV eut l’idée de commander à Lully “un ballet turc ridicule” transférant ainsi les moqueries sur les turcs.
“Sa majesté m’ordonna de me joindre à Messieurs Molière et de Lully pour composer une pièce de Théâtre où l’on pût faire entrer quelque chose des habillements et des manières des Turcs. Je me rendis pour cet effet au Village d’Auteuil, où M. de Molière avoit une maison fort jolie. Ce fut là que nous travaillâmes à cette pièce de Théâtre… Je fus chargé de tout ce qui regardoit les habillements, les manières des Turcs… Je demeurai huit jours chez Baraillon le maître tailleur, pour faire les habits et turbans à la Turque (…).”
La comédie-ballet fut jouée pour la première fois le 14 octobre 1670 à Chambord, Molière dans le rôle de M. Jourdain et Lully, habitué aux rôles comiques, dans celui du Grand Muphti.
A cette occasion, Louis XIV, qui n’était pas sans humour joua un tour à ses courtisans. Après la représentation, le Roi ne dit pas un mot à Molière pendant le souper. Les courtisans commencèrent alors à critiquer la pièce de façon acerbe. Le pauvre Molière dut attendre cinq jours avant de rejouer la pièce. Après la seconde représentation, le Roi, qui n’avait pas encore porté son jugement eut la bonté de dire à Molière: “Je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation, parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle avait été représentée, mais, en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait tant diverti, et votre pièce est excellente.” Molière fut rassuré par ces paroles et aussitôt couvert de louanges par les courtisans…
La comédie-ballet fut reprise les 16 et 20 octobre suivants à Chambord puis les 11 et 13 novembre à St-Germain-en-Laye. Outre l’irrésistible Cérémonie des Turcs, le début de la pièce est très musical grâce au dialogue entre le maître de musique et le maître à danser.
Pièce filmée, dans le texte original et la musique de Lully, des cinq actes du ‘Bourgeois gentilhomme’ de Molière, comédie-ballet mise en scène par Jean Meyer (pour la partie théâtrale) et Léone Mail (pour la partie divertissements). Comédiens : Jean Meyer, Louis Seigner, Jacques Charon, Robert Manuel, Georges Chamarat, Jean Piat, Jacques Eyser, Georges Descrières, A. de Chauveron, Micheline, Boudet, Marie Sabouret, (1958)