À chacun son Dieu, ses écritures, ses saints. Pourtant, depuis leurs origines, les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) partagent des croyances, des pratiques, des figures tutélaires mais aussi des sanctuaires. Avec l’exposition Lieux saints partagés, le Musée national de l’histoire de l’immigration revient sur ces pratiques et pose l’une des interrogations les plus sensibles du 21e siècle : celle des identités religieuses aujourd’hui.
Conçue à partir d’une enquête anthropologique que les commissaires conduisent depuis plusieurs années, l’exposition met en lumière des circulations impliquant des hommes, des rites et des croyances et révèle des pratiques partagées qui se déploient dans des lieux chargés d’une forte sacralité.
Œuvres d’art, photographies, films documentaires, objets ethnographiques et archives composent un parcours qui invite à une traversée ayant comme départ Jérusalem et cheminant vers l’Europe continentale en passant par différentes îles et rivages de la Méditerranée.
Le parcours débute ainsi avec une première partie dédiée à la Terre sainte, berceau des monothéismes marqué par l’exacerbation des frontières, la concurrence des corporations religieuses et l’enchevêtrement des lieux saints. Pourtant, on y observe des formes de porosité interreligieuse.
La deuxième partie est consacrée à certains carrefours des migrations en mer Méditerranée. Paradoxalement isolées et nœuds de circulation, les îles de Lampedusa (Italie), Djerba (Tunisie) et Büyükada (Turquie) sont propices aux interactions entre fidèles de religions différentes.
Cette idée se poursuit avec la section suivante qui approfondit les questions de circulations humaine et religieuse entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée dans les contextes colonial et post-colonial. Des cultes catholiques implantés au Maghreb tels Notre-Dame d’Afrique à Alger ou Notre-Dame de Santa Cruz à Oran, aux exemples sur l’autre rive de lieux de culte devenus multiconfessionnels comme Notre-Dame de la Garde à Marseille et à Nîmes.
Enfin Lieux saints partagés s’arrête sur certaines grandes figures, des “bâtisseurs de paix” à l’instar de Louis Massignon fondateur du pèlerinage islamo-chrétien des Sept Dormants ou d’André Chouraqui (1917-2007), célèbre traducteur de la Bible et du Coran, qui a œuvré toute sa vie au dépassement des clivages confessionnels en France, en Israël et dans le monde, ou encore du cheikh Khaled Bentounès, guide spirituel de la confrérie soufie Alawiyya et fondateur de l’association AISA reconnue comme organisation non gouvernementale internationale par l’ONU et qui a pour vocation d’œuvrer à l’émergence d’une société du mieux vivre ensemble.
Prolongement de l’exposition présentée au Mucem à Marseille, cette exposition est le fruit d’une profonde réécriture et est enrichie spécialement pour le Musée national de l’histoire de l’immigration par un parcours qui s’intéresse à la question des mobilités dans un cadre géographique élargi à l’Europe continentale.
Commissariat général de l’exposition
Dionigi Albera : anthropologue, directeur de recherche au CNRS et directeur de 2006 à 2016 de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative (IDEMEC) à la Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme (MMSH) d’Aix-en-Provence
Manoël Pénicaud : anthropologue, chargé de recherche au CNRS et membre de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative (IDEMEC) à Aix-en-Provence. Spécialiste des pèlerinages et des relations interreligieuses en Europe et en Méditerranée.
Source: Musée de l’histoire de l’immigration