Il y a 5 ans, en juin 2009, Asia Bibi est sortie de chez elle par 40 degrés à l’ombre pour aller boire un verre d’eau dans un puit réservé aux musulmans ». Depuis, elle est enfermée en prison, battue et condamnée par tous les tribunaux. Au-delà de l’héroïcité de son comportement, et de son caractère de symbole de la violence morale des lois anti-blasphème dans les pays musulmans, Asia Bibi est devenu le symbole d’un « conflit des mobilisations » entre les chrétiens eux-mêmes.
Entre ceux qui considèrent que seule la mobilisation des institutions internationales pourra la sauver, et ceux qui en font un cas exemplaire des horreurs de la Charia, le torchon brûle… Faut-il laisser le dossier à la communauté internationale, sachant que la diplomatie, à ce niveau-là, n’a absolument eu aucune influence ? Faut-il que les chrétiens se mobilisent contre cette loi anti-blasphème au Pakistan, et, plus généralement, contre la Charia qui s’applique de plus en plus sanguinaire ?
La semaine qui a suivi la dernière condamnation d’Asia Bibi, l’association Chrétienté-Solidarité a organisé un rassemblement devant l’ambassade de la République islamique du Pakistan qui a réuni plus de 2 000 personnes, et où se sont exprimés des personnalités diverses engagées pour la liberté religieuse en terre d’islam ou contre la Charia. Ce qui n’a pas été du goût de tout le monde… Ni de l’ambassade du Pakistan, qui avait posté des caméramans dans les appartements attenant à la manifestation, ni de certains journalistes ou hommes d’église…
La journaliste Anne-Isabelle Tollet, qui avait notamment rédigé avec cette dernière, le livre « Blapshème » (éditions Oh !) qui relate son histoire. Dans les divers médias où elle s’est exprimée, elle a vigoureusement critiqué ce genre d’initiatives, parlant même de « récupération » et évoquant de l’ « islamophobie ». Dimanche dernier, le Cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, en a ajouté une couche :
« Dans des cas particuliers, la manifestation publique a l’effet inverse de celle qu’on cherche. On est dans une fixation politico-fanatique et religieuse et que le soutien des chrétiens étrangers d’une certaine façon est perçue comme une caution de la sentence qui a été rendue par le tribunal. Je crois que les démarches les plus efficaces sont les démarches diplomatiques et gouvernementales quand des États qui ne sont pas nécessairement occidentaux expriment leur désaccord et leur volonté à travers les voies habituelles ».
Que reprochent-ils au fond, à la mobilisation de Chrétienté-Solidarité ? Selon eux, au lieu de débloquer la situation, une manifestation de chrétiens contre l’application de la Charia pourrait, au contraire, l’envenimer, et condamner Asia Bibi définivement. « Cette histoire n’est pas la question d’une chrétienne condamnée à mort parce qu’elle est chrétienne; c’est encore pire quand c’est un musulman qui blasphème ! » a également déclaré Anne-Isabelle Tollet, affirmant même que l’intervention des catholiques pour Asia Bibi est extrêmement néfaste : « si le Pape Benoît XVI n’avait pas pris sa défense, elle serait sans doute sortie de prison. Et si demain le pape François parle en sa faveur, c’est la cata ! Elle pourra être pendue immédiatement! » (Asia Bibi a pourtant déjà écrit deux lettre au pape).
Ce à quoi Bernard Antony, président de Chrétienté-Solidarité, l’organisateur de la manifestation de jeudi dernier, a vivement riposté : « Pour ce qui est du cas d’Asia Bibi, nos amis réfugiés pakistanais nous ont répété que de telles manifestations sont absolument nécessaires. » (http://www.bernard-antony.com/2014/10/les-pendus-de-lislam-et-le-cardinal.html). Et de citer le cas de Tran Van Tra, militant anticommuniste vietnamien, que les institutions, n’ont pas pu sauver de l’execution.
Pour lui, le combat est beaucoup plus vaste : il s’agit d’aller au-delà du cas d’Asia Bibi, pour dénoncer « les pulsions islamiques de fanatisme et de jihâdisme terroriste, et aussi la charia et la dhimmitude, et l’inexistence de la liberté religieuse, par notamment la répression contre les convertis payant durement leur adhésion au Christ, condamnés alors à des années de prison, et souvent au fouet, suivi de la pendaison, certains encore osent nous traiter « d’islamophobes » ! » (http://www.bernard-antony.com/2014/10/manifestation-pour-la-vie-dasia-bibi.html). Car des cas comme celui d’Asia Bibi, il y en a en effet des centaines par an dans le monde, comme l’a rappelé Daniel Hamiche, de l’Observatoire de la Christianophobie (www.christianophobie.fr).
Entre une « ligne modéré » qui veut avoir confiance dans les institutions censée garantir les droits de l’homme, et une « ligne de riposte », qui œuvre pour dénoncer inlassablement les horreurs de la Charia, il y a une profonde équivocité, et une profonde incompréhension. Elles tracent une ligne de division, notamment envers la question de l’application de la charia dans les pays islamiques. Asia Bibi ne doit pas faire les frais d’une mésinterprétation de la réalité de l’islam. Prendre son cas tragique pour un cas particulier risque de faire naître, encore et encore, des milliers d’autres cas dans le silence d’une communauté internationale apeurée dès lors qu’il s’agit de critiquer une théocratie sanguinaire…
Lu sur Les Observateurs Ch