C’était l’homme du “prédicat”, ce concept grammatical arrivé à l’école primaire et au collège en 2016 et qui avait provoqué un vent de panique parmi les enseignants. Michel Lussault, le président du conseil supérieur des programmes, a démissionné hier de ses fonctions après avoir pris le soin de largement médiatiser son départ sur France Inter et dans Le Monde. L’Universitaire s’est fait le malin plaisir d’épingler au passage le ministre de l’Education Nationale, Jean Michel Blanquer qui fonctionne selon lui par “annonces souvent unilatérales et idéologiques” et “prend grand soin”de se présenter comme “l’anti Najat Vallaud-Belkacem”. Il va même jusqu’à qualifier le ministre de “réactionnaire”. “J’aimerais que le modèle de l’école de la République ne soit pas celui de l’école jésuite”, avait-il encore asséné. La réponse du ministre ne s’est pas fait attendre. “Son départ ne me gêne pas du tout, ce n’est pas un problème. Je suis dans un travail d’organisation de l’Education nationale pour que tous les enfants sachent lire, écrire, compter et respecter autrui à la sortie de l’école primaire. Si ça gêne M. Lussault, ce n’est vraiment pas grave”.
Michel Lussault s’est fait notamment remarquer par son style particulièrement jargonnant. Il reste associé à la première version des programmes du primaire et du collège. L’opinion publique n’en avait retenu que les perles pédagogistes comme le fameux “milieu aquatique profond standardisé” pour remplacer le mot piscine! Devant la polémique, Michel Lussault avait reconnu les imperfections et produit une nouvelle version.
Pour autant, cet universitaire reste habité par un langage qui lui est propre. Pour preuve, Challenges s’est plongé dans “Hyper Lieux”, les nouvelles géographies politiques de la mondialisation (Seuil), dernier ouvrage de Michel Lussault paru en février 2017. L’homme qui vient de démissionner de la présidence du Conseil supérieur des programmes, emblème des ” pédagogistes “, y fait usage d’une grammaire et d’un style très personnels. Extraits de son introduction titrée : ” En guise d’ouverture. Impressions ” et de sa conclusion.
Extraits de son livre
(…) Bref toute une cohorte hétérogène de professionnels (officiels ou, pour beaucoup, informels) qui rendent possible l'” hypertouristicité ” de Venise, qui vivent de cette rente de plus en plus disputée. (…)
(…) En tous cas, dans ce séjour à Venise, l’importance de cette nouvelle forme à diffusion virale, de mise en scène spatiale de soi m’avait frappé. (…)
(…) Venise est sans doute l’un des endroits ou l’on saisit le mieux le caractère ambivalent de ce genre de tourisme, qui assure la survie d’un espace et d’une société tout en les aliénant par la construction d’un artefact spatio-temporel très particulier : le site touristique mondialisé. (…)
(…) En tous cas, c’est ici dans ce type d’endroit, sans circonscrire une telle expérience à des sites touristiques, que j’éprouve que le Monde contemporain, bien loin d’aliéner purement et simplement le rapport des individus à leurs espaces de vie, enrichit et complexifie sans cesse ces derniers et multiplie le nombre de ceux qui nous sont accessibles. (…)
(…) En réalité, on observe le caractère stratégique, pour tout acteur social et quelle que soit l’action considérée, de la localisation, c’est-à-dire de la détermination du bon emplacement permettant d’espérer la réalisation des fins poursuivies. (…)
(…) Du coup, le local redevient à la fois central dans les pratiques quotidiennes de tout un chacun et la référence d’un nombre croissant d’imaginations géographiques et politiques. (…)
(…) On se souvient qu’il y a quelques années, d’aucuns déploraient la reproduction ad libitum des ” non lieux ” : je serais plutôt tenté de voir des lieux partout. (…)
(…) Pour le (dé)montrer, je commencerai par l’analyse des hyper-lieux connectés et ubiquitaires les plus ” iconiques ” : les shopping mails, les aéroports, les gares qui participent pleinement de ce que la mondialisation et l’économie globalisée promeuvent comme modalités d’organisation des sociétés et comme valeurs mais qui, déjà, s’avèrent plus variés, subtils et complexes qu’il n’y parait. (…)
(…) Puis dans la continuité de cette première approche et du cadre conceptuel qu’elle m’aura permis de poser, j’examinerai d’autres lieux du Monde – toujours avec le souci d’objectiver en quoi ils appartiennent à un genre commun, que l’hyper-lieu emblématise, et en quoi leurs (nombreuses et importantes) différences spécifiques font sens. (…)
Et en conclusion :
(…) On trouve dans ce texte assertorique l’ensemble des grandes thématiques du néolocalisme et bien des alteractivistes des alter-lieux adhéreraient à nombre des pétitions de principe qu’il contient – ce qui conforte mon hypothèse d’un air du temps/air de l’espace localiste critique, qui fait pendant à celui de l’hyper-lieu mais en partage toutefois certaines des modalités (au premier chef l’hyperspatialité, mais aussi les logiques affinitaires et expérientielles). (…)
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