L’ère de la musique-marchandise

Le Tresor, « temple techno » des soirées berlinoises, a organisé un festival pour fêter ses 25 ans. Ce type de musique minimaliste, un rythme sourd et entêtant agrémenté de vagues sonorités rarement harmonieuses jouant sur les effets et les sons jamais entendus, semble être le dernier refuge musical de la jeunesse blanche. Car la musique est un outil d’agrégation qui ne favorise pas forcément la diversité culturelle. Les jeunes Blancs préfèrent la techno et le rock metal, les Noirs se reconnaissent plutôt dans le rap.

Deux points communs : d’abord une rupture culturelle avec leurs traditions musicales respectives, même si elle n’est pas complète avec le metal, et une quasi-élimination des femmes chez les DJs comme chez les rappeurs. Le nihilisme suicidaire de la techno et l’ultra violence du rap, un rapprochement qui pourrait rendre compte des enjeux actuels.

L’opinion avait réagi à la programmation de Black M. pour la commémoration de Verdun. On a pu y voir une sorte de provocation, mais on semble avoir moins remarqué que « le rap est la musique préférée des Français », pour reprendre le titre provocateur du livre de Laurent Bonneau, le directeur des programmes de Skyrock (éditions Don Quichotte, 2014). Considérant certaines ventes, il exagère à peine, le rap est en passe de devenir le genre préféré des moins de 40 ans, éclairant sur le grand remplacement en cours. Dans ce contexte, le choix d’un rappeur à Verdun peut tout simplement s’analyser comme un moyen d’attirer la jeunesse de demain : puisqu’elle est en train de changer de répertoire musical, accompagnons le mouvement !

Pour les nostalgiques de la musique de leur jeunesse, avant la techno et le rap, les Pink Floyd vont commercialiser, le 11 novembre prochain, un coffret collector de 27 cd consacrés à leurs débuts (1965-1972). Les amateurs y trouveront une vingtaine de titres inédits de cette période. Ces musiciens aux tendances schizophrènes ont réalisé des albums parmi les plus vendus de l’histoire du rock. Certains disent même de tous les temps, comme si on vendait de la musique avant sa marchandisation. Leur musique-marchandise devait avoir certaines qualités puisqu’elle s’est particulièrement bien vendue.

La haine de la musique se retrouve dans la « profanation » des grands opéras. Ne pouvant pas modifier la partition, les metteurs en scène s’en prennent aux décors et aux costumes, n’hésitant plus depuis longtemps à détourner l’intention des compositeurs. Ainsi, pour le festival d’Aix-en-Provence, Christophe Honoré a situé le Cosi fan tutte de Mozart dans l’Erythrée de Mussolini, où les soldats fascistes abusent des indigènes. La spectacle était programmé au festival international d’Edimbourg, mais la direction a proposé de rembourser les places, jugeant le spectacle « provocant et sexuel ». En somme, les opéras de Mozart transformés en films pornos…

L’Escadron volant de la Reine est un ensemble instrumental de musique baroque créé en 2012. Il vient d’enregistrer Notturno, des œuvres d’Alessandro Scarlatti composées pour la semaine sainte. Une interprétation saisissante qui mérite d’être signalée (Evidence, EVCD 021, 2016).

Thierry Bouzard – Présent

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