Un vernis contre le viol…

Voici un vernis à ongles qui devrait protéger d’une agression sexuelle. “Nous sommes Undercover Colors, nous sommes la première entreprise de mode à donner le pouvoir aux femmes pour les empêcher de se faire agresser sexuellement”. L’annonce, aussi décalée qu’inattendue, émane d’une entreprise de Caroline du Nord créée par quatre jeunes hommes étudiants, diplômés en ingénierie des matériaux à l’Université de Caroline du Nord.

L’idée est révolutionnaire : un vernis à ongles qui change de couleur en présence de drogues pouvant servir à faciliter une agression sexuelle (GHB, Rohypnol, Xanax, etc..). Soit “la manucure qui pourrait vous sauver la vie” s’enthousiasme le Daily Mail.

C’est que dans un pays où une personne est agressée sexuellement toutes les deux minutes (toutes les sept minutes en France), le président Barack Obama lui-même a appelé à régler le problème. Mais comment faire quand on sait que dans la majorité des cas ces “drogues du violeur” sont incolores et inodores? Il suffit de tremper un doigt dans son verre répondent les quatre apprentis chimistes derrière Undercover Colors. Si quelqu’un a glissé quelque chose dans votre boisson, vous le saurez immédiatement grâce à la réaction du vernis à ongles, qui changera de couleur.

“Grâce à ce vernis à ongles nous espérons dissuader les éventuels agresseurs de passer à l’acte, parce qu’ils ne pourront plus droguer leurs victimes en toute impunité. Nous voulons que la peur change de camps, et qu’elle passe de celui des victimes à celui des agresseurs” déclarent les inventeurs. Une intention louable, mais qui rate son objectif pour certains. Retweeté des centaines de fois, le billet de la blogueuse féministe du site Glosswatch appuie là où ça fait mal :

“Je regarde cette invention et je me demande ce à quoi elle contribue réellement. D’abord nous avons eu les sous-vêtements anti-viol, les collants qui imitaient des jambes poilues afin de dissuader de potentiels agresseurs, maintenant des vernis à ongles qui détectent la drogue du violeur. On aurait presque le sentiment que le viol n’est pas un acte que les violeurs choisissent de commettre mais une chose inévitable à laquelle toutes les femmes doivent se préparer, comme le mauvais temps, ou les bouchons interminables. Vous ne quitteriez pas la maison sans un parapluie, alors pourquoi partir sans avoir enfiler vos vêtements anti-viol ? Dites oui à votre statut de potentielle victime de viol !”

En 2013 déjà, courrier international ironisait “les gadgets anti-viol sont de saison”. Et pour cause. Du soutien-gorge qui envoie des décharges électriques, aux sous vêtements à combinaison, véritable ceinture de chasteté des temps modernes, en passant par la chaussure qui prévient la police quand vous tapez du pied deux fois (attention à ceux qui aurait la prétention de vouloir danser, monsieur le commissaire ne sera sûrement pas très content d’avoir été tiré du lit sous prétexte que vous faisiez des claquettes), tout y passe, du plus effrayant au plus ridicule.

Mais que faire alors? Les journalistes de la version anglaise du magazine féminin Cosmopolitan sont unanimes : “nous applaudirons des deux mains quelque projet que ce soit qui entend protéger les femmes d’un tel crime, particulièrement à l’heure actuelle , où les statistiques du viol sont en hausse.” En attendant, Undercover Colors, qui vient juste de récolter 75.000 euros doit encore lever un peu plus de 100.000 euros pour espérer développer sa formule. L’occasion de rappeler que la meilleure prévention contre le viol reste l’éducation.

“Le vernis anti-viol ne fonctionnera pas“. Un pavé dans la mare des réactions provoquées par l’invention de ces quatre étudiants américains. “ Ces gadgets anti-viol relèvent du domaine de l’utopie”. Dans un article relayé par le site américain Jezebel, des scientifiques affirment que la multitude de parades proposées récemment pour lutter contre les drogues du violeur n’ont qu’une efficacité très limitée. Ils s’appuient pour se faire sur plusieurs études américaines. Ainsi après examen, ces divers accessoires ne seraient efficace que deux fois sur trois. Parfois, la réaction chimique peut également se faire attendre, pouvant pousser la victime à se penser en sécurité, alors que le changement de couleur n’a simplement pas encore eu lieu. Des dessous de verre censé indiquer la présence de drogues dans votre cocktail ont par ailleurs violemment réagi à…du lait de vache. Nul n’est infaillible… Surtout pas vous, allez-vous vraiment passer la soirée à scruter un possible changement de couleur, dans la lumière blafarde d’un bar ? Le vernis devrait ainsi passer de bleu à vert, deux couleurs beaucoup trop proches pour juger d’une réelle différence mettent en garde les scientifiques.

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