Lea est un film militant italien, qui entend rendre hommage au courage de certaines femmes dont la famille appartient à la mafia, et qui n’ont pas hésité à dénoncer leurs proches à la justice, et enfin ont été assassinées. Au-delà du thème central de la lutte contre la mafia, il y a aussi la dénonciation des ratés de la protection judicaire et policière des témoins qui savaient risquer la mort. Il y a tout un contexte italien immédiatement compréhensible au-delà des Alpes, moins en France, mais le film offre justement l’occasion de le découvrir et, pourquoi pas, de l’approfondir après la projection.
Toutefois, le film militant souffre d’une faiblesse majeure absolument évidente. Le spectateur ne peut que déplorer l’absence véritable de débat intérieur dans le cœur de ces femmes au centre de l’intrigue : une mère, puis sa fille, dénoncent pour la première un mari – ou « assimilé », concubin – et des frères, la seconde un père et des oncles, ce qui n’est tout de même pas rien, ni évident. Entre refuser de participer à la mafia, attitude indiscutablement courageuse, honorable, morale, et dénoncer des proches, il y a une grande différence que le réalisateur du film ne veut pas percevoir. Toutefois la famille mafieuse décrite, implantée dans les Pouilles et en Calabre, outre la pratique régulière d’assassinats, vit d’extorsions de pauvres et de trafic de drogues, pratiques elles assurément totalement indéfendables. Mais l’absence de débat intérieur étonne nonobstant. En outre, la révolte de Lea contre son milieu comporte aussi une dimension féministe, que l’on ne partagera pas nécessairement, mais qui sonne vrai sur le plan dramatique dans le contexte mental actuel.
Lea vaut, particulièrement pour le public français, moins au courant du contexte que les spectateurs cisalpins, pour son aspect documentaire. Les rituels mafieux sont bien montrés en début de film ; chose toujours tue, leur caractère maçonnique apparaît comme absolument évident. La mafia, originaire d’Italie du Sud, a accompagné les travailleurs italiens du Sud pauvre dans leurs migrations intérieures vers les grandes villes d’Italie du Nord, à commencer par les principales comme Milan et Turin, bien présentes dans le film. Les mafias contrôlent largement les fondations sociales, souvent d’origine catholique, de ces grandes villes, rançonnant immigrés italiens intérieurs comme immigrés extra-européens et populations nouvelles arrivées à partir des années 1990. Le sujet explosif de l’implication de la mafia dans les migrations clandestines transméditerranéenne, avec une exploitation esclavagiste des immigrés clandestins, n’est lui pas vraiment abordé, au plus suggéré.
L’histoire de Lea intéresse véritablement le spectateur curieux, peut-être plus pour tout son contexte que pour le destin personnel du personnage principal, à l’issue tragique connue d’emblée.