Cette analyse est reprise de l’ouvrage d’Odilon Cabat, Sous le sceau de la marque. Parmi les analyses sémio qui font date, on retrouve celles de Jean-Marie Floch. Ces dernières sont brillantes, pointues et renseignées. Lorsque l’on fait des analyses sémio, on est habitués à cette logique rationnelle, exigeante, issue de la méthodologie linguistique. C’est une approche « cerveau gauche » pourrait-on dire.
Ce qui est très intéressant dans l’ouvrage d’Odilon Cabat, c’est de lire une analyse tout aussi exigeante et pointue, mais sous la vision « cerveau droit ». Sa méthodologie est très créative. Elle s’inspire de l’étymologie des mots mais également de la langue des oiseaux . Je vous laisse donc vous délecter de cette analyse. Un véritable nectar de sémiologie.
Le nom s’inscrit en caractère du type linéales (sans empattement) grasses, rouges de taille croissante des extrémités à l’O central majoré, produisant un effet de perspective ainsi qu’une légère torsion.
La typographie est spécifique de la marque, chaque lettre présentant à la fois des arrondis (pour la douceur) et des angles pointus en incises (pour le piquant).
L’absence d’empattement évoque la simplicité de la production industrielle.
Pour avancer dans l’analyse on est amené à prendre en compte les valeurs implicites du nom; outre le sens évident d’amour, « Amora » peut se décomposer en am-ora : qui aime la bouche (du latin -os, oris qui donne orifice, oraison, etc.)
La bouche est représentée deux fois, d’abord par le O et ensuite par la couleur rouge qui en héraldique se dit gueules. La bouche d’Amora s’arrondit comme pour un baiser. L’idée en arrière-plan est que le produit, la moutarde retourne dans la bouche le sens d’arôme (aroma) en amour.
Du côté des représentations on dira que la couleur rouge (le gueules héraldique) représente symboliquement le nom, l’amour.
Du côté des ressemblances, il faut rappeler que la moutarde est un révulsif; le mot vient du latin revulso (arrachement) de revellere : arracher. En latin, arraché se dit revulsus. Ainsi un oeil sorti de son orbite se dit révulsé. Or le O central exprime cette idée du fait qu’il est arraché par une perspective déformante, évoquant bien l’arrachement de la gueule par a moutarde.
Ce qui code à la fois l’imaginaire du produit fondateur : la moutarde, qui est un révulsif et son effet sur la bouche. Le O rouge figurant aussi l’orifice buccal. »