Nos paysans au bord du vide, du déclassement social, acculés au suicide, poursuivent leur révolte. Bloquent routes, autoroutes, sites touristiques et, surtout, aires de grande distribution, leurs ignobles parkings et leurs infâmes panneaux 4×3 qui polluent nos chers paysages de France. Qui pourrait leur jeter la pierre ?
Tel que l’affirmait Jean-Paul II, tandis que le mur de Berlin tombait, il fut dit, en substance, que le Vatican, s’il n’était pas contre une « économie de marché », se refusait à l’émergence d’une « société de marché » ; et ce, en droite ligne de la doctrine sociale de l’Église. À l’époque, Alexandre Soljenitsyne s’inquiétait qu’une fois le fameux mur tombé, les égouts occidentaux en viennent à submerger la sainte Russie de leurs immondices ; et notre Europe au passage.
Dans la légitime, mais très médiatique, euphorie générale, Jean-Paul II remarquait au passage que si le communisme avait au moins cet avantage de bénéficier d’une capitale et de frontières internationalement reconnues, d’un chef et d’un organigramme dûment identifié, il en allait tout autrement du libéralisme mondialisé, et ennemi d’autant plus difficile à combattre que fort délicat à identifier ; soit, dans un registre avoisinant, l’insoluble équation de nos amis libéraux-catholiques qui chérissent les causes dont ils maudissent les effets…
C’est, sans forcément avoir théorisé ce concept pourtant à la portée du premier venu, que notre paysannerie se bat contre ce nouvel ennemi invisible. En effet, dans ce combat d’ombres, qui est l’ennemi ? Non certes pas le travailleur issu de l’Europe de l’Est, camionneur ou découpeur de poulets, exploité comme pas permis. Les hautes instances européennes, alors ? Mais qui sont-elles ? Interchangeables et sans visage… La monarchie tempérée par le régicide avait-elle au moins du bon.
Ainsi, l’Europe, celle que la majeure partie des forces politiques en présence, françaises ou autres, entend continuer d’édifier, n’en finit plus de se dépêtrer en ses propres contradictions. Elle veut de la concurrence ? Mais cette dernière ne serait éventuellement possible que si tous les pays de notre Vieux Continent partageaient les mêmes critères sociaux et écologiques. Ce n’est pas le cas, loin s’en faut. Cette sacro-sainte « concurrence » est donc biaisée dès le début, sans compter que nous voilà obligés de gober, matin, midi et soir, des pilules de « compétitivité ».
La « concurrence » est évidemment l’une des données les plus lourdes depuis l’invention du commerce ; soit à peu près depuis la naissance de l’humanité. Une femelle approchée par plusieurs prétendants mâles fera évidemment jouer la « concurrence » : logique ; l’inverse vaut également. En revanche, que la « compétitivité » devienne gravée dans le marbre de la loi du monde nouveau est une tout autre affaire. Il faudra donc que mari et femme demeurent « compétitifs », au risque de se voir déclasser au profit d’un ou d’une autre. Elle est joyeuse, la société qu’on nous promet !
Pourtant, à en croire la vulgate hollando-sarkozyste, il faudra encore que ceux qui ont l’honneur de travailler de leurs mains soient de plus en plus « compétitifs »… Et comment ? En réduisant leur salaire à un quart de SMIC, en se coupant le pouce droit ou le testicule gauche ? Ou alors en disant le mot de Cambronne à ces instances européennes incapables de faire la différence entre un bouc et un topinambour ?
Tous à nos tracteurs !