Par Alain Sanders
D’accord… Pas question de dire que tous les députés et les sénateurs qui viennent (plus ou moins et plutôt moins pour certains) de rendre publiques, sur le Net, leurs déclarations d’intérêts (1), sont des Thénardier (lesquels avaient fait leur beurre en allant détrousser les cadavres de Waterloo). N’empêche que cette opération “Transparence” permet de découvrir, çà et là, quelques joyeux rapaces.
Henri Guaino, qui a toujours l’air aussi franc qu’un âne qui recule, ne décolère pas : « La folie de la transparence met en danger la vie privée et l’intimité. » Ah bon ? Et la sournoiserie de l’opacité, elle, elle ne met pas en danger la vie politique ? Ces députés, ces sénateurs, qui vivent à nos crochets et qui, pour certains, sont des cumulards de revenus, sont des hommes publics (2). Ils nous doivent donc des comptes, que ça leur plaise ou non.
Dans un pays où, le 15 du mois, des familles ne savent pas comment elles vont le finir, ce mois, où les chômeurs se comptent par millions, où des gens, qui ont pourtant un emploi, ont à peine de quoi se nourrir après avoir payé leur loyer, on ressent, à la découverte de ces Picsous bourrés de thunes, comme de la nausée. Une sorte d’antiparlementarisme ? Oui. Même si ça fait de la peine à Guaino et consorts. Quand certains députés gagnent plus de 100 000 euros par an en plus de leurs indemnités, on n’est pas obligé de trouver ça “normal”…
La loi, et les parlementaires nous le répètent à l’envi, n’interdit pas que lesdits parlementaires (députés et sénateurs) emploient un collaborateur de leur famille ? Non. Mais, légal ou pas, moi j’appelle ça du népotisme. Claude Bartolone emploie sa femme. Jean-François Coppé emploie la sienne (qui est par ailleurs et en plus psychologue pour enfants). Patrick Devedjian emploie sa moitié. Comme le font le très gaullard à tête d’empeigne Dupont-Aignan et le centriste Yves Jégo. La sénatrice UMP Sophie Joissans a embauché Papa (c’est pas une bonne fifille, ça ?). Le Vert-Rouge Sergio Coronado (ce n’est pas la bière que je préfère…) a embauché son frangin. D’autres emploient leurs enfants, leurs cousins, quelqu’un de leur parentèle. Et La Tantina de Burgos chantait naguère Henri Genès…
D’autres, plus retors, ont mis au point un deal : « Tu embauches mon fiston et j’embauche ta femme. » Ce qui permet de rémunérer un collaborateur en s’exonérant des règles d’encadrement des salaires, les emplois concernés n’étant dès lors pas considérés comme “familiaux”…
Le malheureux et la malheureuse qui fréquentent Pôle Emploi, le travailleur qui est au Smic, le chômeur en fin de droits, n’ont pas à s’inquiéter, en revanche, pour François Fillon : gérant de son agence 2F Conseil, il a touché 142 500 euros en 2013. Pas d’inquiétude non plus pour Luc Chatel : conseil en stratégie, il s’est goinfré 188 135 euros pour la même année. Pas d’inquiétude encore pour Jean-Michel Baylet, qui va son train de sénateur : en 2013, il a touché 377 159 euros en tant quePDG du Groupe Dépêche du Midi ; 155 163 euros en tant que président de la SA Midi Olympique ; 23 575 euros en tant que président de la SA Nouvelle République des Pyrénées ; 144 983 euros en tant que président d’une société de communication. Et je pourrais allonger la liste ad nauseam.
Rien d’illégal, nous assure-t-on. Soit. Mais faudrait pas – en plus – que des Thénardier limite Auberge Rouge nous donnent des leçons de morale et viennent nous demander de faire un cran de plus à nos ceintures en simili-cuir quand les leurs de ceintures, siglées grandes marques, ne cessent de s’élargir…
(1) Professions exercées en parallèle, activités des conjoints, etc.
(2) Et des femmes publiques, mais là c’est plus équivoque…