Il était une fois une petite fille blonde qui récitait sagement sa leçon bien apprise… La maîtresse lui demande avec insistance :« Alors, comment tu la trouves, cette histoire de princesse ? » La petite fille : « Euh, c’est pas bien parce que les filles, elles sont toujours les plus faibles, euh, et c’est les garçons qui sont les plus forts… » La petite fille va avoir une bonne note. Elle a bien parlé devant les caméras de France 3, pour illustrer les « expérimentations » sur les ABCD de l’égalité, qui vont être généralisés à la rentrée sous un autre nom.
L’objectif de cette généralisation est bien la « déconstruction » à grande échelle de notre patrimoine imaginaire européen, sous toutes ses formes (littérature, contes pour enfant, fables, mythes, légendes…) censé véhiculer les« stéréotypes » du Genre et empêcher la société de progresser vers l’idéal égalitaire (les femmes camionneurs, les hommes sages-femmes).
Que cet imaginaire collectif relève de la culture, donc de l’acquis, et non pas de l’inné, est une évidence. Que cette culture soit connotée historiquement, est vrai aussi. Mais cet acquis lui même est devenu inné, c’est à dire transmis comme une sorte d’ADN de la civilisation, d’âge en âge. Pour faire rêver des générations de têtes blondes avec la Belle au bois dormant et le petit Poucet, Perrault ou les frères Grimm ne se sont pas contentés de publier quelques livres à succès. Ils ont puisé dans un trésor bien plus ancien de traditions populaires souvent orales, déjà élaborées par les siècles passés. Ils ont eu des précurseurs : dès le XIIe siècle, Chrétien de Troyes, recueillant le cycle arthurien, opère la fusion entre les mythes celtiques et le merveilleux chrétien. Comme Jean d’Arras avec la fée Mélusine.
Ces recueils fondateurs inspirent à leur tour des adaptations littéraires ; ils sont transformés, parfois épurés, pour être accessibles à tous. Surtout, ils doivent séduire les bambins, ces juges sévères, au point que ceux-ci, devenus parents, aient envie de transmettre ce patrimoine immatériel à leurs propres enfants. Pour parvenir jusqu’à nous, c’est-à-dire jusqu’à Walt Disney et aux livres illustrés modernes, voire aux jeux video, princesses, princes charmants, lutins, sorcières et dragons ont donc touché des auditoires aussi différents que les chrétiens du haut Moyen-âge, le peuple et les élites de l’Ancien régime, la bourgeoisie du XIXe siècle ou le public des salles obscures d’aujourd’hui… Il faut être intemporel, universel, parler à l’âme enfantine de toutes les époques, pour devenir une légende…
C’est à cet héritage merveilleux que veut s’attaquer, en l’espace d’une ou deux années scolaires, et sans craindre le ridicule, une administration centralisée et bornée, quelques intellectuels barbus et les idéologues fanatiques du lobby LGBT. Pour tous ces « progressistes », le mal est dans le passé, le bien dans la modernité. Ils devraient pourtant réfléchir : ce n’est pas Blanche neige qui enferme les femmes dans un statut d’objet sexuel, mais bien les filles de la publicité aux formes retouchées par Photoshop, les top models anorexiques et les bimbos de la télé-réalité, sans compter les Femen glapissantes aux seins nus. Les fantasmes cruels et inhumains de notre société du spectacle nous asservissent, mais les bonnes fées et les jolies princesses de notre enfance finiront bien par nous en délivrer !