https://www.youtube.com/watch?v=pdo7KdisS7I
HHhH se veut un drame historique sérieux, même si, et cela commence mal, il est aussi l’adaptation d’un roman à succès de Laurent Binet (2010). HHhH est un acronyme bizarre d’époque, signifiant Himmlers Hirn heisst Heydrich, soit le cerveau de Himmler s’appelle Heydrich. Himmler est après 1936 le ministre de l’intérieur de fait du Troisième Reich, le chef de toutes les polices absorbées les unes après les autres dans le cadre de sa SS – organisation paramilitaire nationale-socialiste. Himmler s’est effectivement appuyé dans le cadre de sa tâche sur Heydrich, devenu rapidement un collaborateur de premier plan. Le personnage a été décrit comme intelligent, cultivé, rigoureusement organisé, soit des qualités essentielles qui faisaient totalement défaut à Himmler. Heydrich a torturé des opposants politiques, massacré personnellement ou fait massacrer en Europe de l’Est à partir de l’automne 1939, des populations juives. Enfin il est généralement considéré comme le planificateur de la Shoah. Il a été assassiné au printemps 1942 à Prague par la résistance tchèque, précisément par des agents tchèques en exil parachutés du Royaume-Uni.
Heydrich a été en effet le plus haut responsable national-socialiste tué par la Résistance dans l’Europe occupée. Cette opération a provoqué de dures représailles de l’occupant allemand contre la population tchèque, jugée collectivement responsable. Cet épisode de l’assassinat de Heydrich est devenu un mythe national essentiel pour la Nation tchèque, car témoignant de sa participation à la Résistance armée en Europe. La Tchécoslovaquie, dans une situation désespérée, avait en effet capitulé sans combats en deux fois, en octobre 1938 et mars 1939. La Résistance armée y a été moins massive qu’en Pologne, URSS, ou Yougoslavie. D’où le caractère absolument essentiel de cet épisode, qui fait internationalement moins ridicule que l’insurrection de Prague du 5 mai 1945.
Le réalisateur a voulu reprendre ce mythe national tchèque, basé certes sur des faits réels indiscutables. Le problème est que la démarche a été modernisée en développant les amours supposées de ces résistants : leurs débauches sont largement montrées à l’écran, et trop pour le public honnête. En outre, elles sont peu crédibles dans le contexte : un père en 1942 fermerait-il les yeux sur ce qui peut se passer avec sa fille de vingt ans dans la chambre voisine de la sienne ?
Heydrich, personnage complexe, est réduit à la caricature habituelle du nazi sadique. Cet homme était assurément peu sympathique, criminel, mais l’outrance constante dessert totalement le propos, en rendant un tel monstre peu crédible dans bien des scènes.
HHhH aborde donc un sujet délicat avec une absence totale de finesse, ce qui fait que le film est complètement manqué.