Pourquoi l’Eglise fête-elle la solennité des saints Pierre et Paul?

 Ou comment la Vérité se révèle-t-elle ici-bas par le paradoxe… Toute la foi, et donc la réalité elle-même, est fondée sur le paradoxe de l’union des contraires, ainsi qu’en témoignent la Foi ET la raison.

Parce que Jésus, vrai Dieu ET vrai homme, est venu réconcilier Dieu ET l’humanité, nous savons désormais que Dieu est un ET trine, aussi vrai que Marie est vierge ET mère, révélation enseignée par la Bible qui contient l’Ancien Testament ET le Nouveau Testament, fruit de l’inspiration divine ET d’une rédaction humaine, le Credo prenant sa source dans l’Écriture et la Tradition, tandis que la théologie s’appuie sur la Révélation et la raison…

Ce petit mot de « et », ce « + », cette croix est la clé donnant accès à l’harmonie du réel cachée aux yeux de l’homme divisé par le péché.

Jésus a non seulement réconcilié Dieu ET l’homme, mais encore les hommes entre eux, réunissant Juifs ET païens au sein de la même Église qui est de ce fait catholique, c’est à dire « universelle ». L’Église catholique est le Corps mystique du Christ ET une institution humaine, elle est visible ET invisible, composée du clergé ET des fidèles, où chacun fait son salut par la foi ET les œuvres, conjuguant la liberté ET l’obéissance. L’Église est à la fois hiérarchique ET charismatique, et c’est pourquoi elle fête St Pierre ET St Paul. Si l’Église n’était que hiérarchique, elle serait totalitaire. Si elle n’était que charismatique, elle serait anarchique. Parce qu’elle est hiérarchique ET charismatique, elle est catholique !

Mais si la Révélation catholique si bien résumée par la Croix est bien la Vérité même, alors elle ne doit pas seulement vérifier sa pertinence dans le domaine surnaturel de la foi, mais aussi dans l’ordre naturel de la raison. Et, de fait, la philosophie permet de distinguer l’être réel ET l’être de raison, l’être en puissance ET l’être en acte, l’essence et l’existence, la substance ET l’accident, la matière ET la forme, l’être humain, homme ET femme, composé d’une âme ET d’un corps, d’esprit ET de matière, etc…

La méconnaissance de ces distinctions et de l’unité supérieure en laquelle elles s’harmonisent entraîne de graves confusions et est à la source de nombreuses erreurs, alimentant hérésies et schismes.

Par exemple l’ignorance du principe philosophique de la réciprocité des causes que l’ont retrouve dans le signe de la Croix, rend impossible la résolution d’un problème comme celui-ci : le repentir du pécheur est-il cause que la grâce lui est rendue ou bien la grâce est-elle cause de son repentir ? Soutenir que le repentir du pécheur obtient que la grâce lui soit rendue est l’hérésie pélagienne pour laquelle la grâce n’est pas réellement une grâce, puisqu’elle serait méritée par le repentir ; or, la grâce, par définition, ne peut être méritée … La grâce appartient à l’ordre surnaturel, et sans elle nous sommes incapable de quoi que ce soit dans cet ordre. « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire. » dit pourtant Jésus (Jn 15.5). Le repentir précédant la grâce est lui-même un don de la grâce, et non pas une œuvre purement humaine. A l’inverse, si l’on soutient que la grâce produit notre repentir, c’est l’hérésie calviniste ou musulmane (Coran 28.68), pour qui le repentir n’est pas libre puisque nous n’aurions pas le pouvoir de refuser la grâce… Ces deux hérésies en viennent pareillement et tout logiquement à prétendre que Dieu refuse Sa grâce à ceux qui ne se repentent pas !

La compréhension du réel, la Vérité est donnée par l’harmonie entre Foi ET raison. Ce qui donne pour le problème précédent la solution suivante : si dans l’ordre de causalité matérielle notre libre repentir est cause que la grâce nous est rendue, dans l’ordre de causalité formelle la grâce librement reçue est cause de notre repentir, auquel elle donne sa spécification surnaturelle.

A la lumière de la Croix qui réunit le Haut ET le Bas, la gauche ET la droite, Dieu ET l’homme, les amis ET les ennemis en un même amour, le catholique est appelé à réaliser une union des paradoxes, à « tirer de son trésor du neuf ET de l’ancien (Mt 13.52) », et pour cela à se montrer « candide comme une colombe ET prudent comme un serpent (Mt 10.16) »…

Le signe de la Croix est le plus ancien, le plus universel et le plus éloquent signe de réconciliation. La Croix enseigne à prendre radicalement au sérieux l’histoire ET à tendre vers l’éternité, à aimer la vie présente ET à ne pas craindre la mort, à voir le caractère tragique de la vie ET à cependant cultiver l’humour ET la simplicité, à honorer tous les hommes parce que tous sont fils de Dieu ET à démythifier tout orgueilleux, à se conduire en serviteur de tous ET à vivre libre à l’égard de tous, à aimer sa patrie ET à se sentir frère universel, à unir dans la même personne l’homme de prière ET l’homme d’action, l’homme rigoureux sur les principes ET l’homme indulgent envers tous, à nourrir l’humilité la plus radicale ET la conscience d’être unique…

L’hérésie consiste à choisir une vérité au détriment d’une autre : la justice sans la miséricorde, ou l’inverse, l’austérité sans le sourire, la foi sans la piété, la prédestination sans le libre arbitre, etc… Les hérétiques sont ceux qui choisissent, ceux qui ne veulent pas « le tout », ceux qui ne veulent pas être catholiques… Aussi vrai cependant qu’ « il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et en tous. » (Ep 4.4-6), il ne saurait y avoir de salut possible en dehors de l’unité catholique…

Abbé Guy Pages – Islam & Vérité

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