Le Brexit et le retour des peuples

https://www.youtube.com/watch?v=-5bdhn0IKKU

Le grand événement de la semaine a, sans conteste, été le Brexit, c’est-à-dire la nette victoire du « Leave » au référendum organisé par David Cameron en Grande-Bretagne. Je peux bien avouer que je n’y croyais plus. L’assassinat de la députée travailliste Jo Cox, et la propagande honteuse qui s’en était suivie sur la prétendue responsabilité des tenants du Brexit dans ce « climat de haine », me semblaient devoir enterrer le Brexit. Et je peux bien avouer aussi que ma joie a été d’autant plus grande que je m’étais mieux résigné.

Pourquoi cette joie ? Tout d’abord, parce que ce vote est un gigantesque camouflet pour l’oligarchie. Malgré les énormes moyens de propagande, le peuple britannique a nettement dit son rejet de cette technocratie arrogante qui prétend toujours savoir mieux que les peuples ce qui est bon pour eux.

Je savoure ce message simple : nous voulons nous gouverner nous-mê­mes, selon nos propres coutumes.

Par l’un de ces paradoxes dont l’histoire a le secret, ce message simple et de bon sens est devenu subversif dans le monde occidental. Mais il n’en a que plus de prix.

La deuxième raison de ma joie est qu’à l’ensemble des pays européens, les Britanniques montrent qu’il n’existe aucun « sens de l’histoire ». Ce qui a été fait peut se défaire. Rien n’est irréversible hormis la mort, en ce bas monde !

C’est ainsi la défaite de cette vieille thèse hégélienne et marxiste, récupérée par les oligarques qui se disent libéraux, tout en étant parfaitement allergiques aux libertés concrètes des hommes et des peuples.

Enfin, un dernier élément entre en ligne de compte dans cette joie. Nous assistons sans doute à l’un des premiers coups de boutoir contre le « totalitarisme soft » de l’Union européenne.

Pour fêter le Brexit, j’ai revu avec bonheur la fameuse vidéo de l’ancien dissident soviétique Vladimir Bou­kovski comparant l’Union européenne à l’URSS, avec cette conclusion sublime : « J’ai vécu dans votre futur et ça n’a pas marché ! »

Bien sûr, tout n’est pas comparable entre UE et URSS, mais cette prétention de la nomenklatura à construire une ère nouvelle, un peuple nouveau, un homme nouveau, sur la disparition de toute racine et de toute identité ; cette prétention à l’irréversibilité du processus ; cette prétention à savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous ; bref, le fondement même de la « construction européenne » est tout à fait analogue à l’URSS.

Comme les Soviétiques, les eurocrates détruisent notre identité par « humanisme », pour notre « bonheur ». Mais nous ne voulons décidément pas de ce bonheur-là.

D’autant moins que ça ne marche pas : cette tabula rasa menace gravement la paix et la prospérité.

Que va-t-il désormais se passer ?

La première possibilité, c’est que le vote des Britanniques soit détourné : les oligarques peuvent, sinon les contraindre à revoter jusqu’à ce qu’ils votent « bien », du moins enliser les négociations jusqu’à l’arrivée d’un nouveau gouvernement plus conformes à leurs vœux…

Si le Brexit a vraiment lieu, malgré la complexité de l’opération (il faut renégocier des centaines de traités et de dossiers au cours des deux prochaines années), l’Écosse et l’Irlande du Nord, majoritairement hostiles au Brexit, pourraient réclamer leur indépendance, donnant le signal d’un ré­gionalisme militant. Ainsi reviendrait-on progressivement au Moyen-Âge et à la féodalité.

On peut aussi espérer que l’Union européenne entende le coup de semonce et revienne au principe de subsidiarité supposé constitutionnel pour elle, mais appliqué exactement à l’envers (l’UE abandonne aux États membres ce qu’elle ne peut ou ne veut pas faire). Auquel cas, le Brexit ne serait pas seulement une bonne nouvelle pour le « self-government » des Britanniques, mais aussi pour le nôtre.

Il y a, en revanche, aussi des raisons de craindre la politique du pire. On peut tout aussi facilement imaginer que les oligarques, lassés de prendre des claques chaque fois que les peuples prennent la parole, cessent de la leur donner et accélèrent le processus d’intégration fédérale.

On peut même craindre que la Grande-Bretagne ne soit rapidement « remplacée » par la Turquie. N’ou­blions pas que le genre de monstre constructiviste qu’est l’UE a besoin de croître pour ne pas s’effondrer sous son propre poids…

En un mot, l’avenir est pour le moins indécis, et probablement inquiétant, mais, en attendant d’y voir plus clair, rien ne nous interdit d’applaudir à ce retour des peuples et des identités et à cette déroute de l’oligarchie !

Guillaume de Thieulloy – Les 4 Vérités

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