10 ans après le référendum censuré!

Rappelons-nous ! Le 29 mai 2005, les Français répondirent majoritairement NON au traité établissant une Constitution pour l’Europe (54,68 % des suffrages exprimés, avec une participation très honorable de 69,34 %). Le camp du oui s’était pourtant fortement mobilisé, bénéficiant du soutien complice de la plupart des médias. Certes, la coalition des opposants au traité était-elle hétéroclite : on y retrouvait le Front national, la droite souverainiste de Philippe de Villiers et Nicolas Dupont-Aignan, le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement, l’extrême gauche, un Jean-Luc Mélenchon déjà en rupture avec son parti et quelques socialistes rebelles ou opportunistes, comme Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Arnaud Montebourg et, dans un premier temps… Manuel Valls, vite rentré dans le rang. Mais ils avaient tous un point commun – et non des moindres : la volonté du peuple devait s’exprimer et être respectée. On sait ce qu’il en advint : le traité de Lisbonne, avatar du projet de traité constitutionnel, fut ratifié par le Congrès, le 4 février 2008. Pas de nouveau référendum : le peuple risquait de mal voter !
De ces événements, on peut tirer plusieurs leçons. D’abord, le peuple n’aurait, selon nos gouvernants, le droit de s’exprimer que pour voter dans leur sens : belle conception de la démocratie ! Mépris du peuple, auquel ils ne s’intéressent que pour se faire élire : alors les promesses fusent, la démagogie va bon train.

– Mais le peuple n’est pas toujours suffisamment éclairé, ses représentants le suppléent.
– L’Assemblée nationale représente-t-elle vraiment le peuple quand une grande partie en est exclue, faute de proportionnelle ?
– Mais il n’est pas capable de trancher sur des sujets trop complexes !
– Eh bien ! Instruisons-le, provoquons de grands débats.
– Mais, dans un référendum, les Français risquent d’exprimer leur mécontentement, plutôt que de répondre à la question posée.
− Et alors ? Les gouvernants craignent-ils donc le verdict des citoyens ? En cas de désaveu, rien ne les empêche de démissionner.

En fait, nos dirigeants ont peur du peuple. Ils abandonnent l’idéal démocratique au profit d’un système oligarchique et technocratique. À cet égard, la remarque de Laurent Fabius sur le projet de référendum du gouvernement de Cameron est édifiante : « La population britannique a été habituée à ce qu’on lui dise : “L’ Europe, c’est une mauvaise chose” ; le jour où on va la consulter, il y a un risque qu’elle dise que l’Europe est une mauvaise chose. » Parce que l’Europe est forcément une bonne chose ? N’a-t-on pas le droit d’en discuter ? Ne peut-on pas laisser le peuple en décider ? Pas étonnant que nos gouvernants soient contre le référendum d’initiative populaire !
Ceux qui ne respectent pas les décisions du peuple ne se contentent pas de le mépriser : ils tuent l’esprit même de la démocratie.

Lu sur Boulevard Voltaire

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