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Il a traversé le ciel étoilé du Bel Canto à la vitesse d’une comète et a laissé plus de traces que tout autre. Ténor exceptionnel, incomparable et inclassable, Mario Lanza fut le premier ténor superstar du 20ème siècle. Dans les années 1950 et bien longtemps après, pour des millions de mélomanes à travers le monde, le nom de Mario Lanza était magique.
Doté de l’une des plus belles, sinon de la plus belle voix naturelle de ténor lyrique et dramatique du 20ème siècle, et peut-être même de tous les temps (ce fut en tous cas l’avis de Maria Callas), Mario Lanza était un artiste fascinant et un chanteur hors pair qui donnait de l’émotion et sublimait tout ce qu’il chantait.
En à peine 12 ans de carrière il était devenu une immense star planétaire. Il a donné des shows devant des dizaines de milliers de personnes, réalisé en 10 ans plus de 400 enregistrements dont 326 sous le prestigieux Red Seal Label (Sceau Rouge réservé aux plus grands artistes de RCA Victor), vendu des disques par millions, tourné 7 films et triomphé dans plus de 300 concerts.
Avec ses films, dont le mémorable Le Grand Caruso, Mario Lanza a apporté au grand public, plus qu’aucun autre chanteur avant ou après lui, le prestige et le romantisme de l’Opéra. Avec un talent inouï, il a, le premier, gommé la frontière entre la musique classique et la mélodie populaire, remportant dans ce domaine, disques d’or sur disques d’or, face à des crooners de premier plan tels que ses amis Frank Sinatra, Frankie Laine, Dean Martin ou Perry Como.
La voix de Mario Lanza était habitée par une intense passion. Personne n’a jamais chanté avec autant d’âme et ne s’est jamais autant donné dans son chant. Ce qui fera dire au ténor maltais Oreste Kirkop: « Je jense que Mario Lanza mourrait un peu chaque fois qu’il chantait tellement il se consumait dans son chant ».
Chanteur surdoué, charismatique et incroyablement talentueux, Mario Lanza était l’incarnation même du ténor d’opéra, brillant, admiré, adulé.
Comme Maria Callas (« La Divine » ou « Diva assoluta » pour les italiens), qui fut comme Renata Tebaldi et bien d’autres, l’une de ses plus grandes admiratrices, il déclenchera des scandales retentissants en annulant en dernière minute, pour des raisons qui peuvent sembler des caprices de diva, d’importants concerts comme celui du New Frontier à Las Vegas en 1955, et ce, malgré un cachet faramineux de 100 000 dollars, soit le double de celui offert à Frank Sinatra quinze jours auparavant. Il estimait que la suite mise à sa disposition par la direction de l’hôtel (hôtel comble pour la circonstance), n’était pas suffisamment spacieuse pour accueillir décemment son couple, ses quatre enfants et leurs deux nurses.
RCA Victor qui avait signé un contrat avec un inconnu en 1945 (chose unique), mais un inconnu dont les responsables de la célèbre firme avaient décelé l’énorme potentiel, voyait ses ventes de disques et ses bénéfices battre tous les records. En 1950, il sera le premier chanteur classique à vendre une chanson, « Be My Love », à plus d’un million d’exemplaires en moins de deux mois. Cette chanson lui vaudra son premier disque d’or.
Pour la première fois, un chanteur d’opéra était devenu une des têtes d’affiche les plus payées et les plus convoitées du monde du Cinéma, mais aussi de la Radio et de la Télévision naissante. En cinq ans Mario Lanza gagnera plus de 5 millions de dollars (environ 100 millions de dollars actuels). Des revenus et royalties considérables que seules les industries du cinéma et du disque peuvent offrir à un artiste d’exception et qui sont sans commune mesure avec ce qu’il aurait pu gagner en chantant au Met ou à La Scala. Selon Rudolf Bing, directeur général du Met de 1950 à 1972, et auteur de « 5000 Nuits à l’Opéra », les cachets des plus grandes stars du Met ne dépassaient pas 1000 dollars par représentation.
Derek Mannering, l’un de ses biographes, dira: « Mario Lanza transformait en or tout ce qu’il touchait. »
En 1949, le Maestro Arturo Toscanini proclama haut et fort que « Mario Lanza était la plus grande voix du siècle”.
Le Maestro Serge Koussevitzky, directeur de l’Orchestre Philharmonique de Boston qui le découvrit alors qu’il avait 19 ans, déclara qu’il avait “Une voix de celle que l’on n’entend qu’une fois par siècle”.
La grande soprano du Met, Licia Albanese, dira en 1956: « Mario Lanza avait la plus grande voix de ténor que j’ai jamais entendue. Je peux le dire parce que j’ai chanté avec tellement de ténors. Pour moi sa voix était plus grande que celle de Caruso ».
Maria Callas déclarera en 1973 à Giovanni Viglione: « Mario Lanza était le successeur de Caruso, et mon plus grand regret est de n’avoir jamais eu l’opportunité de chanter avec la plus belle voix que j’aie jamais entendue”.
Placido Domingo dit: « Mario Lanza était le plus romantique des ténors lyriques. Sa voix avait un immense impact dramatique. Elle est pour moi la référence absolue ».
Ou encore Lucciano Pavarotti: « La voix de Mario Lanza était sensationnelle, pas seulement magnifique, sensationnelle! Depuis que Mario Lanza est mort, Caruso n’a plus de successeur, il n’a que des apôtres. »
Pourtant, comme le souligne le musicologue Matthew Boyden, auteur de nombreux guides sur la musique classique et l’opéra, “Ni le talent, ni la vie, ni la carrière de Mario Lanza ne seront jamais salués par le monde de l’opéra dont le snobisme est, en l’espèce, impardonnable. Le nom de Mario Lanza est systématiquement omis des ouvrages de référence, dictionnaires d’opéra et autres (v. cependant le Baker’s Dictionary of Opera et le Baker’s Dictionary of Music, qui font référence, et traitent normalement de Mario Lanza comme du grand ténor qu’il était).
Les excuses abondent quand il s’agit d’omettre la contribution sans pareille de Lanza à l’opéra du 20ème siècle. D’aucuns prétendent qu’il n’a jamais interprété un rôle entier à la scène (ce qui est faux) et que, dès lors, il ne mérite pas le titre de chanteur d’opéra (ce qui revient à dire qu’un peintre n’en est pas un si son oeuvre n’a pas été exposée). Mais la raison la plus affligeante (bien que la plupart des critiques s’en défendent) est que Lanza était un populiste, dont les films sont considérés comme une insulte à la sacro-sainte tradition du théâtre lyrique. La vérité naturellement, est que Mario Lanza a, plus que tout autre chanteur avant ou après lui, contribué à faire découvrir l’opéra au grand public ».
Placido Domingo, Luciano Pavarotti et José Carreras dénonceront, eux aussi à différentes occasions, l’ingratitude, la jalousie et le snobisme du monde de l’opéra envers un artiste aussi talentueux.
Le critique Charles Osborne écrira dans une étude intitulée « The Art and Voice of Mario Lanza « : S’il avait vécu ailleurs qu’à Hollywood, où à une autre époque, ou les deux, Mario Lanza aurait été un sérieux rival pour Corelli ou Gigli, où même Caruso. J’ai entendu sur de grandes scènes d’opéra et par de célèbres ténors, Nessun dorma… et Di quella pira, nettement moins bien chantés. »
Comme l’avait remarqué en 1956 l’acteur Vincent Price (grand amateur d’opéra), Mario Lanza était en avance sur son temps. En utilisant les moyens de communication de notre temps (le cinéma et le disque), Mario Lanza allait faire découvrir l’art du bien chanter à bien plus de spectateurs que ne le fit l’illustreEnrico Caruso au cours des dix-huit années où il sillonna le globe.
Il allait démontrer avec un exceptionnel brio que l’on pouvait chanter l’opéra au cinéma, et qu’un ténor d’opéra pouvait aussi chanter l’opérette et la musique de variété et remporter dans ces domaines un immense succès.
Roberto Alagna, interviewé par Marc Olivier Fogiel le 8 février 2010 sur Europe 1, au sujet de son parcours professionnel, de son éclectisme et de son très grand succès (Ses albums « Sicilien » et « Roberto Alagna chante Luis Mariano » se sont vendus chacun à 500 000 exemplaires, ce qui est remarquable pour un artiste classique), soulignera que les « inconditionnels » qui considèrent encore aujourd’hui qu’un chanteur d’opéra ne doit pas se commettre en chantant des chansons de variété, et que l’opéra doit toujours se chanter dans un théâtre, ne sont plus qu’une infime minorité.
Dans son livre « Je ne suis pas le fruit du hasard » (Grasset, 2007), Roberto Alagna déclarera que Luciano Pavarotti, en apparaissant dans des shows qui n’étaient pas consacrés à la musique classique, a contribué à rajeunir l’image de l’opéra. Il dira lui aussi combien il a été « impressionné et touché au coeur » en découvrant, alors qu’il était adolescent, la voix somptueuse et le charisme de Mario Lanza dans le film Le Grand Caruso.
Derek McGovern, universitaire néozélandais, montre dans un article récent intitulé« Mario Lanza: A Radical Reassessement » que l’attitude des critiques musicaux envers Mario Lanza est entrain de changer radicalement. Il cite notamment la stupéfaction de l’éminent musicologue William Park en écoutant la prouesse vocale de Lanza chantant l’Improvviso d’André Chénier: « Je ne pouvais simplement pas en croire mes oreilles, superbe diction, beauté de la voix, incroyable phrasé, en bref une magnifique interprétation de cet aria pouvant être classée en tête des meilleures ».
Avec ses films Mario Lanza a inspiré plusieurs générations de chanteurs dont « Les Trois Ténors » qui déclareront: « Si Mario Lanza n’avait pas fait de films cela aurait été une perte pour les générations suivantes ».
Roberto Alagna dit: « C’est en voyant des films comme Le Grand Caruso, tourné par le ténor superstar Mario Lanza que j’ai pris le virus de l’opéra. »
Du 2 Juin au 2 Juillet 2010, la BBC a diffusé une très intéressante série de sept émissions intitulée « What Makes a Great Tenor?« (« Ce qui fait un Grand Ténor »), ces émissions étaient présentées par l’une des stars actuelles de l’opéra, le ténor mexicain Rolando Villazon. Lors de la dernière émission, Rolando Villazon rappela que Mario Lanza fut le premier ténor superstar du 20ème siècle. Présentant des clips de ses films, dont Le Grand Caruso, pour lequel, dira-t-il, « Un Grand Ténor joue le rôle d’un autre Grand Ténor », il rappela que Mario Lanza a inspiré toute une génération de chanteurs, dont Placido Domingo et José Carreras qui relatent eux-mêmes une nouvelle fois à cette occasion leur admiration pour Lanza.
Dans une interview donnée à Opéra Magazine (n°65 de septembre 2011), le ténor maltais Joseph Calleja, déclare que la découverte de Mario Lanza dans le film Le Grand Caruso fut un événement qui bouleversa sa vie: « Je n’avais jamais rien entendu d’aussi beau ! »
Invité par Olivier Bellamy dans l’émission « Passion Classique » sur Radio Classique le 16 octobre 2012, Joseph Calleja confirmera une nouvelle fois, lors de cette interview, l’énorme impact que Mario Lanza a eu sur lui. Il ne cesse depuis, à l’instar de ses célèbres prédécesseurs et contemporains, Carreras, Domingo,Pavarotti, Leech, Terranova, Rodriguez, Frangoulis et bien d’autres, de multiplier les hommages à Lanza.
Après lui avoir dédié son dernier album « Be My Love, A Tribute to Mario Lanza », il lui dédie une série de concerts aux Etats-Unis et en Europe au cours desquels il interprétera une sélection des plus grands succès de Mario Lanza: airs d’opéra, chansons américaines et italiennes.
« Aimé autant qu’admiré, Mario Lanza défia les conventions et les préjugés qui régnaient à l’opéra avec une hardiesse et un talent sans précédent », souligne Matthew Boyden.
L’histoire de la vie de Mario Lanza est tout aussi remarquable que celle d’Enrico Caruso.
C’est l’histoire flamboyante et tragique d’une voix sublime et d’un destin hors du commun.
Né avec une voix d’une beauté incomparable et soigneusement préparé pour chanter l’opéra sur les plus grandes scènes lyriques, il allait devenir célèbre dans le monde entier en chantant l’opéra au cinéma. A l’issue du premier des trois concerts mémorables qu’il donna dans le fameux Hollywood Bowl de Los Angeles le 27 août 1947 où il remplaça au pied levé le ténor Ferruccio Tagliavini, Louis B. Mayer, Président de la toute puissante Metro-Goldwyn-Mayer, grand amateur d’opéra, enthousiasmé par la voix éblouissante du jeune ténor lui propose un contrat tel qu’aucun artiste n’aurait jamais osé refuser et l’engage trois jour plus tard.
« Tu veux chanter l’opéra, mon garçon! Et bien tu vas le chanter, mais au cinéma et pour des millions de personnes « , s’exclama Mayer enthousiaste, lui prédisant un fabuleux succès.
D’une certaine manière, son destin avait basculé par la prison dorée qu’il allait trouver au cinéma.
Grâce à un physique solaire qui illuminera l’écran, à la splendeur de sa voix et à son talent inné d’acteur, Mario Lanza allait incarner à l’écran, et d’inoubliable manière, la vie du Grand Caruso.
Le fils cadet de Caruso, Enrico Caruso Jr. ne cessera de le remercier pour avoir donné si brillamment avec ce film, une seconde vie à son père.
Plus d’un demi-siècle après sa mort prématurée qui eut lieu à Rome le 7 octobre 1959 à l’âge de 38 ans, sa légende est plus que jamais vivante et ses films sont toujours diffusés à la télévision dans le monde entier.
On peut imaginer que Caruso lui-même a communiqué à Lanza cette étincelle surnaturelle qui fait qu’une voix se renouvelle pour la continuité de la musique. Signe du destin ? Le prêtre qui le baptise s’appelle… Caruso.