Dans le flot ininterrompu de bêtises que l’on a pu entendre depuis l’incendie de Notre-Dame, l’une est passée presque inaperçue et n’a pour l’instant suscité que peu de débats : construire, sur le parvis, une cathédrale en bois éphémère. L’idée est venue du recteur de la cathédrale, sans doute sous le coup de l’émotion, mais elle a évidemment été encouragée immédiatement par la Mairie de Paris qui aime tout ce qui est éphémère.
On imagine donc, devant le parvis de Notre-Dame, le long de la Seine, site classé patrimoine mondial de l’UNESCO, une construction qui restera là pendant toute la durée des travaux de restauration – soit certainement plus de cinq ans -, gâchant encore davantage les lieux. Cette manie du temporaire – un Grand Palais temporaire devant l’École Militaire, des bâches publicitaires temporaires devant de nombreux monuments historiques, des installations temporaires installées régulièrement sur les places parisiennes – envahit la ville et la dénature en permanence, le temporaire succédant au temporaire.
Et pour quelle utilité ? Remplacer Notre-Dame pour les fidèles ? Il y a à Paris de nombreuses églises suffisamment grandes où les offices de la cathédrale peuvent sans aucune difficulté prendre place, à moins que l’on ait soudainement à faire face à une recrudescence de la pratique religieuse qui nous aurait échappé. Sauf erreur, il n’y a pas de hiérarchie des messes, et une église vaut une cathédrale. Quant aux manifestations réservées à la cathédrale, elles peuvent avoir lieu sans aucune difficulté à Saint-Sulpice ou Saint-Eustache. La première église, notamment, a des dimensions proches de celle de Notre-Dame.
Outre l’aspect esthétique et urbanistique de cette verrue temporaire qui pourrait venir s’inscrire dans le paysage parisien pendant une dizaine d’années, se pose la question du coût de sa construction. N’est-il pas temps, enfin, d’arrêter de dépenser de l’argent dans n’importe quoi plutôt que de l’affecter à ce qui est réellement important, la restauration des édifices religieux parisiens par exemple ? Qui va payer ? Les souscripteurs pour la restauration de Notre-Dame, quand on leur dit que l’argent qu’il verse ne pourrait même pas être utilisé pour les autres cathédrales en péril ?
Sachant que la Comédie française éphémère, qui avait remplacé la salle de théâtre pendant les travaux, a coûté 11 millions d’euros pour une structure forcément beaucoup plus petite, à combien s’élèvera cette plaisanterie ? 25 millions ? 30 millions ? Davantage encore ? En tout cas plus que ce qu’a rapporté le loto du patrimoine. Une gabegie supplémentaire, aux dépends des monuments historiques et de la beauté de Paris.
Et si on faisait, temporairement au moins, un moratoire sur les âneries ?