Daumier l’avait dessiné en chauve-souris. L’homme jouait en effet sur les deux tableaux. Il allait réaliser la synthèse, la quadrature, etc. Et tout avait bien commencé. Habile député républicain pendant dix ans, l’avocat Emile Ollivier devint, après les élections de mai 1869, à 43 ans, le personnage incontournable pour gouverner la France : Napoléon III avait sur le papier 216 députés (sur 292) prêts à le servir, mais ce camp bonapartiste était divisé en conservateurs et libéraux : deux blocs qui risquaient de s’affronter et de se détruire. L’aimable Emile Ollivier offrait la conciliation : chef de file du « Tiers Parti », il prendrait à gauche quelques ministres républicains comme lui, à droite quelques ministres royalistes (orléanistes), et tout cela formerait avec les bonapartistes libéraux une majorité de gouvernement.
L’aimable Ollivier avait lui aussi un mariage étonnant à donner en pâture au public. Le sien avait même une supériorité : il faisait pleurer dans les chaumières. Ollivier avait épousé en 1853 la fille aînée de Liszt et de la comtesse d’Agoult (le couple le plus people du siècle), Blandine-Rachel, qui mourut en 1858 après lui avoir donné un fils, Daniel. (Une fois chef du gouvernement, mais pas avant, il se remaria à une jeunesse et eut trois autres enfants).
Emile Ollivier avait aussi son Le Drian, en la personne du vaillant maréchal Le Bœuf (sic), qui assurait qu’« il ne manquait pas un bouton de guêtre » à ses soldats, mais aurait mieux fait de renouveler leurs fusils ; et même son Bayrou avec le comte Daru aux Affaires étrangères. Daru avait été successivement bonapartiste, louis-philippard, républicain, et en rajoutait dans l’anticléricalisme pour faire oublier ça : il voulait (comme d’ailleurs Darboy l’archevêque de Paris) faire donner la troupe pour disperser le Concile œcuménique réuni au Vatican par Pie IX ! (Ollivier, toujours aimable, le calma).
Las ! La roche Tarpéienne, comme l’ont douloureusement expérimenté Juppé, puis Fillon, est près du Capitole. Emile Ollivier est resté célèbre seulement pour avoir engagé la France, « d’un cœur léger » (ce furent ses mots à la tribune), dans une guerre désastreuse avec la Prusse, à l’été 1870. Après cet exploit, il tenta vainement de revenir en politique dans les années 1875-1880. Di omen avertant ! (pages roses du Larousse : Que les dieux écartent ce présage ! NDLR.)