L’aube de Jéricho de Brigitte Lundi

En 1991, vous êtes peut-être quelques-uns à vous en souvenir, nous avions publié avec Serge de Beketch un ouvrage de politique-fiction (encore que…) : La Nuit de Jéricho. Sous-titré : « La révolte du lieutenant Poignard ». Il eut – et notamment grâce à un article élogieux de Jean Madiran en une de Présent – un beau succès.

Un tome II était annoncé. Et en grande partie écrit. Pour des raisons que j’ai expliquées – et d’abord le départ de Serge vers la Maison du Père – il ne parut jamais.

Et puis, il y a quelques mois, une toute jeune femme au regard clair, Brigitte Lundi, vint me dire qu’elle avait lu ce livre, qu’il l’avait marquée et qu’elle souhaitait se mettre dans nos pas. Dans l’esprit, mais pas pour en écrire une sorte de Vingt Ans après d’artagnesque : entre la parution de La Nuit de Jéricho et aujourd’hui, vingt-cinq années ont passé. Le temps d’une génération et une accélération du processus de décomposition dont nous disséquions les prémisses. De quoi désespérer ? Jamais ! Et j’en veux pour preuve ce dialogue extrait du livre de Brigitte Lundi, L’Aube de Jéricho (ah, le joli titre !) :

— Quelque chose ne va pas, Commodore ?

— Mon patronyme est russe parce que je suis russe. Parmi tous ces noms, une partie ne sonne pas « français de souche ».

— Eh oui, Monsieur. Mais qu’ils soient français depuis deux ans ou depuis quinze siècles, ils sont prêts à mourir pour leur pays… Oui… Parce qu’ils sont tous français et gentilshommes !

On l’a compris : Brigitte Lundi a tout compris. « Elle est notre petite sœur », aurait dit Serge qui aurait adoré ce livre, ce récit raspalien ancré sur la réalité des menaces auxquelles on ne fera pas l’économie de répondre. Et pas avec des ours en peluche…

L’Aube de Jéricho commence donc de nos jours. Dans une caserne de gendarmerie de la région parisienne. A proximité, on a installé un contingent de migrants. Des lascars en pleine santé qui ont préféré fuir leurs pays plutôt que de les défendre les armes à la main. Chez nous, en revanche, ils roulent des mécaniques. Le jour où ils attaquent la gendarmerie, c’est la goutte d’eau qui met le feu aux poudres (si j’ose dire).

Les gendarmes présents se défendent. L’épouse de l’un d’entre eux, Pauline, mère de cinq enfants, fait le coup de feu à leurs côtés. Mais plus question pour les familles de rester sur place. Pauline et ses enfants partent se réfugier dans la maison de famille à Saint-Léger. Une campagne tranquille où, sans prendre l’avis de la population, le préfet a installé une trentaine de clandestins soudanais et érythréens qui ne tardent guère à créer de graves problèmes. Des groupes d’auto-défense se constituent, chassent les indésirables et déclarent Saint-Léger et sa communauté de communes « territoires libres ». Une initiative qui va vite faire tache d’huile.

La grande idée de Brigitte Lundi, dont la science mili et le talent d’écriture font mon bonheur, c’est d’avoir inséré dans son récit des flash back qui nous ramènent à Saint-Antoine en 1991, là où Messer, alias le lieutenant Poignard, et ses harkis avaient décrété, face aux lâchetés de l’Etat : « C’est fini, on ne joue plus ! » C’est bon d’avoir des nouvelles de vieux amis…

Ils ne « jouent » pas non plus, les héros de Brigitte Lundi. Mais je vous laisse découvrir ce roman formidable (au sens fort du terme). Vous l’ouvrirez et vous ne le lâcherez plus jusqu’à la toute fin, jusqu’au Mont Saint-Michel que l’on disait jadis « au péril de la mer ». Aujourd’hui, ce sont d’autres périls qui nous menacent. Pour y répondre, des hommes et des femmes qui ne rasent pas les murs. Qui ne baissent pas les yeux. Qui ne font pas repentance. Qui ont des armes. Et qui s’en servent. Ce qui fait toute la différence…

Atelier Fol’Fer, 147, rue Bel-Air, 28 260 La Chaussée d’Ivry. Tél. : 06 74 68 24 40. Fax : 09 58 28 28 66. Site : atelier-folfer.com. Prix : 24 euros franco.

Alain Sanders – Présent

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