Cendrillon de Kenneth Branagh

A l’image de sa créature de cendres qui devient princesse, Kenneth Branagh fait passer la machinerie huilée des Studios Disney dans les couleurs chatoyantes de sa baguette magique : un demi-siècle après le film d’animation, il sort de son chapeau une pure féerie cinématographique, pourtant troussée par la même société de production, au merveilleux que l’on pourrait craindre préfabriqué. Mais, loin de diluer la puissance d’évocation du conte populaire, le grand spectacle la fait ressortir dans une littéralité pleine de profondeur. En une explosion épique, c’est toute la sagesse impertinente de l’enfance qui jaillit alors, catharsis fabuleuse : une poésie pure du destin, la puissance de métamorphose de l’être, entre résilience et résistance.

Unknown-9

Rendons à Perrault ce qui n’appartient pas à Disney : le soulier que la jeune fille, nommée ici Ella, perd à la sortie du bal, a beau être en verre, et non en vair, le réalisateur irlandais restitue à la magie sa puissance subversive, et les noms agissent comme des sortilèges. Lady Tremaine-Cate Blanchett, la marâtre, Anastasia et Drisella, les belles-sœurs, font-elles d’Ella une Cendrillon ? Celle-ci répond à la violence non par la rage, mais avec bienveillance et courage. Devenir ce que l’on est, tenter le risque d’être soi, tel est alors l’enjeu, seule façon de délivrer l’autre, en miroir, de sa diablerie. Une utopie enchanteresse, donc, mais aussi un monde idéal à valeur de manifeste. Comment ne pas vibrer devant ce prince vertueux qui se présente comme un apprenti ? Face à son père, qui s’efforce, tout roi qu’il est, de devenir le père que son fils mérite ?

images-6

Dans le monde des fées, les absents n’ont jamais tort. Notre cohabitation avec les fantômes, le pouvoir de renversement de l’ordre établi, cette civilisation de désordre que l’on porte en soi : la métaphysique shakespearienne, que Branagh connaît au plus près, s’exprime dans une théâtralité primitive. On avait déjà vu Lily James, touchée par la grâce, dans « Downton Abbey », et Richard Madden est le Robb Stark de « Game Of Thrones ». Ils transforment Cendrillon et le prince en personnages iconiques de série. Car chez Branagh, les superhéros sont des jeunes filles du XVIIe siècle qui cousent un monde non comme il est, mais comme il pourrait être.

Source

Related Articles