Plusieurs médias, y compris récemment, ont signalé que les classiques de la Bibliothèque Rose avaient été entièrement réécrits ces dernières années dans un but de “modernisation”. Ainsi, il y a eu suppression du passé simple, du vocabulaire jugé trop compliqué, des longues descriptions, des brimades, des phrases politiquement incorrectes sur les Gitans, des moindres éléments jugés sexistes, etc. Par contre, personne n’a relevé que dans le célèbre Club des Cinq, plus précisément Le Club des Cinq au bord de la mer, Hachette a remplacé la scène du chapitre V où les enfants vont à la messe par une scène où ils vont au marché ! Cette scène de la messe était encore présente dans l’édition 2000 mais a disparu depuis. J’ai pensé que cet exemple de déchristianisation rampante vous intéresserait.
Édition de 1969
« Voulez-vous aller à la messe ? demanda Mme Penlan. La route jusqu’à l’église de Trémanoir est ravissante, vous aimerez sûrement M. le curé; c’est un saint homme. – Oui, nous irons, dit François […] La vieille église dormait à l’ombre de ses tilleuls; elle était toute petite, accueillante, charmante. Lorsque Yan vit que l’on attachait le chien près du portail de l’église, il décida de rester avec son ami, ce qui n’amusa pas du tout Claude. Elle ne pourrait pas les surveiller, et ils allaient faire les fous tout le temps, qu’elle serait à la messe. La chapelle était fraîche et obscure, mais trois vitraux de couleurs projetaient sur les colonnes et sur les dalles des reflets violets, rouges et bleus. M. le curé avait l’air d’un saint. Son sermon, tout simple, semblait émouvoir chacun des fidèles en particulier. Il les connaissait bien tous, il était leur ami. Lorsque les enfants sortirent de la messe, ils furent éblouis par le soleil. »
Édition de 2011
« Voulez-vous m’accompagner au marché ? demande la fermière, après avoir rempli la dernière mangeoire de l’étable. – Oh, oui ! acquiescent les enfants. On tiendra Dago en laisse pour qu’il ne se jette pas sur les stands de poulets rôtis […] Le marché se tient à l’ombre des tilleuls : il n’est pas grand, mais très vivant. Sur les étalages reposent des légumes colorés et des fruits juteux. Des poulets dorés tournent sur les broches des rôtisseries. Les commerçants interpellent de leur voix sonores les clients qui arpentent l’allée, pour vanter la qualité de leurs produits. Mme Elouan connaît bien le boucher car c’est lui qui se charge de vendre les volailles de sa ferme. Lorsque les enfants quittent le marché, ils se sentent affamés. »
Comme on dit familièrement, il n’y a pas photo ! L’intention de gommer toute allusion au christianisme est évidente sans compter la licence prise avec le texte original anglais de la romancière britannique Enid Blyton, créatrice, entre autres, de cette série du Club des cinq (The Famous Five, en anglais). S’il existe, en effet, des adaptations tout à fait acceptables pour “franciser” la traduction d’un roman d’aventure destiné à des enfants français, à partir du texte original anglais (noms, lieux, etc.), la suppression pure et simple de ce passage montrant des enfants se rendant « à la messe à l’église de Trémanoir » (version française) ou se rendant « à l’église de Tremannon » (version originale anglaise), en le remplaçant par une visite au marché est inacceptable et attentatoire au droit moral de l’auteur qui, même si elle est décédée en 1968 – l’ouvrage n’est toujours pas dans le domaine public, que je sache –, voit toujours son nom figurer sur la couverture malgré un texte inventé et qui n’est donc pas le sien ! C’est de l’abus de confiance.
Seriez-vous partant pour que nous lancions une pétition auprès de Hachette Jeunesse afin de leur demander de remettre ce chapitre V dans sa version d’origine dès le prochain tirage et de veiller à ne plus verser dans la christianophobie dans l’ensemble de ses publications destinées au jeune public ? Si oui, signalez-le ici: [email protected] , nous vous indiquerons la marche à suivre. Merci !