Il y a près de 100 ans (82, pour être exact), la France découvrait qu’elle avait laissé partir plusieurs joyaux de son patrimoine architectural outre-Atlantique. Les fameux Cloisters du Metropolitan Museum de New York : quatre cloîtres déplacés pierre après pierre. Et non des moindres, ceux des abbayes de Cuxa, Saint-Guilhem-le-Désert, Trie-en-Bigorre et celui des Cordeliers de Tarbes.
Stupeur, consternation. Comment avait-on pu laisser faire ? L’émotion fut grande. De là, naquit une certaine méfiance vis-à-vis des acheteurs étrangers, même férus de patrimoine. N’allaient-ils pas déposséder la France de ses richesses ?
En réalité, il faut reconnaître que, hormis quelques exemples particulièrement choquants, ce n’est pas le cas. Bien sûr, on aurait aimé ne pas voir l’hôtel Lambert aux mains du frère de l’émir du Qatar ou l’ancien siège de Pernod-Ricard, un bel hôtel haussmannien, propriété d’un oligarque russe. Mis à part ces cas ayant un clair objectif de prestige et de placement financier, il faut savoir que les étrangers achetant des vieilles pierres en France sont souvent de réels passionnés du patrimoine, respectueux des lieux et avides de culture française.
Et d’ailleurs, pourquoi le patrimoine tomberait-il en des mains étrangères ? Tout simplement parce que les Français l’abandonnent. Un exemple ? Prenons un honnête père de famille, propriétaire d’une jolie maison dans une petite ville de l’Ouest de la France. Acheté il y a 30 ans, alors que la mairie voulait tout raser pour construire un parking, restauré patiemment, l’ensemble a de l’allure et du charme : des caves du XIIIe siècle, une façade du XVIIIe… Les enfants partis, notre propriétaire veut prendre sa retraite à la campagne tout en gardant sa maison en ville. Sauf que la commune lui demande subitement… 10 000 euros annuels de taxes foncières. Le brave homme ne peut plus. Il vend. Qui se présente ? Aucun Français – ceux-ci préférant sans doute une maison de lotissement avec chauffage au sol, douche à l’italienne, barbecue dans le jardin et volets roulants. Le seul intéressé ? Un Américain. Qui a du goût et le désir de garder l’esprit des lieux, préférant l’esthétique au confort. L’affaire est réglée. Encore une maison propriété d’un étranger. Mais à qui la faute ?
Ah oui, au fait, qui est responsable du scandale de la destruction des serres d’Auteuil ? Un riche Russe ? Un Chinois ? Ah non, ce sont des Français, la Fédération française de tennis et la mairie de Paris, qui laisse faire…
François Bregaint – Présent