Gérard Pince, docteur en économie du développement, nous surprend avec un roman atypique, Les Carnets de Françoise Stern. L’héroïne, Françoise Stern, une historienne marxiste part à la poursuite d’un criminel des guerres de l’ex Yougoslavie. Elle découvre une sordide histoire de trafic d’organes…
— Nous vous connaissions docteur en économie du développement, spécialiste de l’immigration, nous vous découvrons également romancier, mais pas un romancier comme les autres car vos fictions sont plus que de gentilles historiettes distrayantes. Expliquez nous…
— Au terme d’une carrière outre-mer qui m’a conduit dans près de 140 pays à titre professionnel ou privé, j’ai voulu partager mon étonnement devant l’extrême diversité du monde en écrivant des récits d’aventures. Aucun paysage ne se ressemble et l’empreinte des peuples accentue la variété des terroirs. Je n’ai jamais rencontré l’homme universel et bon que les médias nous décrivent. En revanche, j’ai vu le plus souvent les ethnies entrer en compétition pour accéder à des ressources économiques rares. Mes histoires mettent donc en garde contre une doctrine frelatée qui prétend que nous serions égaux et que toutes les cultures seraient estimables.
Mon dernier roman, tout comme les quatre précédents, se déroule dans le milieu de la haute administration française ou internationale puisque c’est celui que je connais le mieux. Mes intrigues s’appuient toujours sur des faits réels dont j’ai été témoin et qui sont souvent ignorés du grand public. A travers les personnages, j’essaye d’analyser les causes psychologiques et sociales de l’effondrement de notre civilisation et je suis surtout fasciné par l’émergence des puissances du Mal. A ce titre, le Diable est bien présent dans tous mes récits et prend tour à tour les figures de la sauvagerie, de la cupidité et de la folie. Pour surmonter de terribles épreuves, mes héros doivent retrouver leur raison et leurs valeurs. Tantôt, ils y parviennent mais c’est parfois trop tard. Tantôt, ils échouent. Emportés par leur destin, ils luttent pour leur vie ou leur honneur et ne versent pas dans le sentimentalisme, le bovarysme ou les « belles émotions ». En tant que disciple de Jung, je m’intéresse plutôt aux inconscients collectifs et aux pulsions masochistes ou meurtrières qui en remontent.
— Parlez nous de votre « héroïne », Françoise Stern. Ce personnage vous permet de dénoncer non seulement l’utopie du politiquement correct mais des événements bien réels…
— Françoise Stern est une historienne marxiste. Mieux encore, elle appartient à une mouvance communiste qui n’a pas renoncé au stalinisme. En se lançant à la poursuite d’un criminel des guerres de l’ex-Yougoslavie, elle est rattrapée par de terribles événements.
Deux faits épouvantables hantent ce roman d’espionnage. Le premier qui rôde comme un spectre concerne le génocide dont on ne parle jamais et qui fut pourtant le plus important du vingtième siècle, avec l’extermination de sept millions d’Ukrainiens en deux ans par Staline. Vingt?quatre nations, dont les Etats?Unis et le Vatican, l’ont reconnu mais pas la France, ce qui illustre l’influence des idées marxistes dans notre pays. Cette occultation tient aussi à la personnalité de bien des coupables. Des hommes comme Lazare Kaganovitch ou Yagoda ont joué pour Staline un rôle identique à celui d’Himmler pour Hitler.
Le second a trait au trafic d’organes sur les prisonniers serbes qui donne lieu à un sinistre cortège de masques et de mensonges. Françoise Stern se confronte ainsi à l’horreur des guerres balkaniques et à leurs secrètes motivations géopolitiques. Elle découvre que l’histoire du Kosovo est celle d’une immigration parvenue à son terme et qui a entraîné l’éviction des Serbes de leurs terres ancestrales. Un récent rapport du procureur en charge des crimes du Kosovo souligne à cet égard que le « nettoyage ethnique effectif de la plus grande partie de la population serbe et rom » s’est déroulé en présence de 50 000 soldats de l’OTAN (un pour 36 habitants du Kosovo) ! A cette époque, une grande conscience de gauche, monsieur Kouchner, administrait ce territoire. Il n’a rien vu et ses amis ne perçoivent pas non plus la terrifiante menace qui se lève à l’horizon avec l’implication d’un nombre effarant de « chances pour la France » dans les horreurs de l’Etat islamique.
— Vous ficelez l’intrigue de façon à laisser à chaque lecteur son interprétation de la réalité, finalement n’est-ce pas sur celui-ci que s’exerce la véritable manipulation ?
— Vous faites allusion au trafic d’organes sur les prisonniers et à la recherche des responsabilités lors du génocide ukrainien. Je fais en effet partager au lecteur l’angoisse de l’héroïne qui affronte sans cesse des vérités qui se contredisent. Par exemple, le trafic d’organes a-t-il vraiment eu lieu ? Aux dernières nouvelles, le procureur américain a confirmé son existence mais en ajoutant qu’il manquait de preuves pour lancer des accusations ! L’enquête va donc se poursuivre ! Assez curieusement, on ne s’interroge jamais sur la nationalité des hôpitaux qui ont acheté des organes pour opérer des transplantations. En droit, ce sont pourtant les receleurs de crimes épouvantables. Encore un grand Tabou ! Autant dire que l’on ne connaîtra jamais la vérité. En ce sens, ma fiction est plus véridique que l’histoire officielle parce qu’elle repose sur des hypothèses logiques confortées par des faits amplement documentés.
• Les Carnets de Françoise Stern, de Gérard Pince. Editions Godefroy de Bouillon. 28 euros.
Lu sur Présent