Couac à l’Assemblée nationale lors des discussions sur l’accès à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes sans condition. Richard Ferrand a fait adopter un amendement contre lequel les députés s’étaient prononcés.
Déni de démocratie ? Le président de l’Assemblée nationale a décidé d’adopter le 25 septembre un amendement alors même que les députés ont semblé voter majoritairement contre. L’amendement en question, n°2123, proposé par le député La République en marche (LREM) de Charente-Maritime, Raphaël Gérard, souhaite lever les critères médicaux aux couples de femmes ou aux femmes seules, désirant la procréation médicalement assistée (PMA).
En intégrant la notion «de projet parental» dans la procédure PMA, les femmes homosexuelles et célibataires ne pourront ainsi pas se voir opposer «la dimension médicale». Un texte qui a été validé par le rapporteur de la loi bioéthique Jean-Louis Touraine.
Pourquoi vous contestez ? S’il est adopté, il est adopté !
Actuellement, seuls les couples hétérosexuels peuvent bénéficier, dans un cadre limité, du remboursement des frais de PMA par la sécurité sociale, si la raison est pathologique ou causée par un problème d’infertilité d’origine inexpliquée dans le couple. L’amendement vise donc à remettre en cause la visée uniquement médicale d’une conception assistée.
Après les débats, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, soumet aux voix, à main levée, le vote de cet amendement ayant reçu un avis favorable du gouvernement. Alors que les mains en faveur de l’amendement semblent être extrêmement réduites, les mains «contre» semblent elle être largement supérieures en nombre, des députés de la majorité s’opposant d’ailleurs à cet amendement. Toutefois, Richard Ferrand a voulu faire fi du vote, pensant certainement que LREM allait naturellement soutenir l’amendement. Il prononce donc l’adoption de l’amendement à la surprise presque générale.
L’opposition, majoritairement du parti Les Républicains (LR) se met alors à protester sur les bancs de l’hémicycle. Richard Ferrand reste néanmoins sur ses positions : «Pourquoi vous contestez ? S’il est adopté, il est adopté !» Les parlementaires LR tentent de raisonner Richard Ferrand, qui n’en démord pas.
Richard Ferrand a-t-il fait preuve d’autoritarisme ?
Le député LR de l’Ain, Xavier Breton, prend alors la parole. Alors que Richard Ferrand demande à celui-ci de discuter de l’amendement suivant, Xavier Breton conteste et propose une autre méthode de vote pour éclaircir le malentendu : «C’est vraiment scandaleux. On a pu voir, sincèrement, [qu’] il y avait à peine la majorité au sein du groupe majoritaire [LREM/Modem], une autre moitié [de ce groupe] a voté contre, et nous [LR], on a très largement voté contre. Il y a un vrai problème. Je pense qu’il faut régler cette question du vote, on peut faire un assis-debout pour vérifier.»
Peu réceptif à cette demande, Richard Ferrand décide de passer à la discussion d’un amendement suivant, sans daigner répondre au député LR. Il poursuit : «Le vote a été constaté et proclamé, il est donc acquis.»
Le député LR de Meurthe et Moselle, Thibaud Bazin, prend alors le relai, brandissant le règlement de l’Assemblée nationale, afin de stopper les discussions sur les amendements en cours et faire un «rappel au règlement» : «Je demande une suspension de séance de deux minutes car si on commence comme ça, on biaise totalement le texte […] c’est un sujet majeur […] Regardez bien, on peut faire un assis-debout, c’est très simple.»
Après cette prise de parole, Richard Ferrand refuse une nouvelle fois de remettre en cause l’adoption de l’amendement et concède simplement une suspension de séance. Après celle-ci, les discussions ont repris sur la suite des amendements. Thibaud Bazin a ensuite tweeté, jugeant le comportement de Richard Ferrand, «scandaleux» : «Scandaleux ! Le Président de séance annonce l’adoption d’un amendement sans lever la tête alors que la majorité de l’hémicycle s’y est opposé. Il refuse de faire un assis debout. Cela commence très mal sur des sujets aussi sérieux que la bioéthique.»
Réagissant à cette interpellation des députés de l’opposition, l’Assemblée nationale s’est justifiée dans la soirée du 26 septembre sur Twitter en expliquant : «Le Président de séance [en l’occurrence Richard Ferrand] est le seul à avoir une vision d’ensemble de l’hémicycle et n’a pas à justifier le décompte des voix. Ce n’est que lorsqu’il a un doute sur le résultat d’un vote à main levée qu’il procède à un vote par assis-levé.»
Source