Tribune libre de Jacques Rollet*
Les partis du Centre selon l’appellation reçue se sont rassemblés la semaine dernière sous le sigle UDI (Union des démocrates et indépendants) et ont désigné Jean-Louis Borloo comme président. Il faut noter que les militants des différents partis n’ont pas été consultés ; si l’on peut considérer qu’ils étaient d’accord pour un rassemblement, en va-t-il de même pour la désignation du président ? Il est à craindre que ce fonctionnement ne nous renvoie aux III° et IV° Républiques.
Poursuivons la réflexion sur trois points : le caractère positif du rassemblement ; sur quoi le Centre est-il au clair ; l’apport nécessaire de la tradition démocrate-chrétienne.
1) Le positif
La création d’une fédération des Centres est en-soi un phénomène positif. Chacun se lamentait sur la dispersion des partis ; il faut donc se réjouir tout en constatant, ce qui n’est pas une surprise, que le Modem n’en fait pas partie. On a envie de dire à Bayrou : « Quousque tandem abutere patientia nostra ? » (« Jusqu’à quand enfin, abuseras-tu de notre patience ? ».
Est également positive la claire détermination de se situer au centre-droit, en postulant évidemment qu’on sait de quoi il s’agit quand on parle de centre-droit. Si l’on veut dire que la Gauche n’est pas crédible au plan économique, qu’elle est idéologiquement dépassée et que son laxisme en matière de mœurs est problématique, alors la formule a un sens car ces diagnostics sont portés par la Droite mais cela nous renvoie à notre deuxième point.
2) Face aux tenants de l’Etat-Providence «à la française», le Centre est-il au clair ?
Nous ne voyons pas d’alternative politiquement crédible au libéralisme économique. La loi de l’offre et de la demande et la concurrence libre et non faussée nous semblent être les meilleures données pour une économie développée. Il faut que le Centre le dise sans peur, étant entendu que l’adage européen sur la concurrence implique qu’on corrige ce qui fausse la concurrence. Le dumping chinois par exemple peut être combattu au nom du libéralisme.
Cela nous conduit à nous demander si le Centre prend position sur une Europe fédérale et pas seulement sur une fédération d’Etats–nations; On ne peut pas déplorer l’absence de décisions sur l’Euro et refuser le fédéralisme. Il nous faut un gouvernement fédéral de l’Europe de la zone Euro avec une politique économique, financière et sociale, communes. Tout le reste est bavardage et perte de temps, mais une telle avancée suppose des convictions fortes et une conception de l’homme selon laquelle tout n’est pas possible en matière de dépenses. Le réalisme économique suppose l’acceptation humaine des limites. Ainsi beaucoup de Français vivent au-dessus de leurs moyens et ne veulent pas le savoir. L’utopie marxiste règne encore et les empêche de reconnaître la gravité de leur situation. On attend de l’UDI qu’elle soit claire sur ce point.
On attend également qu’elle s’oppose fermement au libéralisme culturel de la Gauche et qu’elle refuse ce qu’on appelle le «mariage homosexuel», qu’elle refuse la procréation artificielle pour les lesbiennes, et qu’elle refuse l’euthanasie.
3) La tradition démocrate-chrétienne
Ce que nous venons de dire se situe clairement dans l’apport humain et culturel de la démocratie chrétienne. La vision chrétienne de la personne humaine distingue le démocrate chrétien du relativiste de gauche ou de droite et bien entendu des positions antihumanistes de l’Extrême-droite. Ajoutons que la tradition du parti radical fondée sur le laïcisme de la franc-maçonnerie pose problème, c’est le moins qu’on puisse dire. Or Jean-Louis Borloo est dans cette tradition. Cela n’a rien d’exaltant.
Au terme de ces quelques réflexions, on peut donc se demander si l’UDI est bien le parti qui va redonner au Centre la place que François Bayrou lui a fait perdre…
*Jacques Rollet est l’auteur de plusieurs livres dont Tocqueville (Montchrestien 1998), Religion et politique (Grasset 2001), La tentation relativiste, ( DDB, 2004), Le libéralisme et ses ennemis (DDB, septembre 2011).
> Cet article est produit en partenariat avec le Centre d’étude & de recherche du Centrisme.
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