Les Enfants d’Asperger d’Edith Sheffer est un livre choc. Son objet ? La biographie d’Hans Asperger, au nom duquel est associé le syndrome d’Asperger désignant un autisme mêlant difficultés sociales et intelligence supérieure, ou « haut potentiel » selon les mots du psychiatre. C’est ainsi que les autistes diagnostiqués « Asperger » sont perçus par le sens commun. La notion d’intelligence supérieure est une des raisons qui expliquent pourquoi le nom du psychiatre associé à ce syndrome est perçu de façon positive, en forme de légende dorée même, une légende que l’ouvrage de l’historienne Edith Sheffer transforme en ténébreuse affaire. Hans Asperger, né en 1906 et mort en 1980, à Vienne, était un homme célèbre, « progressiste », ayant refusé d’adhérer au nazisme. D’autant que les archives de son travail ont disparu lors d’un bombardement en 1944, date où il était mobilisé comme médecin en Croatie. Asperger était censé s’être opposé aux programmes d’élimination des handicapés menés par les nazis, légende que détruit Les Enfants d’Asperger. L’étude des archives et de sa vie est d’autant plus importante qu’il est le premier à avoir signalé ce syndrome autistique. C’est sa « découverte », son apport à la science.
Une nouvelle idole du camp du Bien est à terre
Non seulement Hans Asperger n’a pas résisté, n’a pas combattu le nazisme et n’a pas lutté contre les programmes d’élimination, mais il en a été l’un des acteurs. Pour le nazisme, « l’hygiène raciale » devait permettre de créer une « communauté racialement pure », ce qui induisait une politique d’eugénisme. L’Etat classait les personnes en fonction de leur « aptitude » à intégrer la société idéale future. Nombre de scientifiques, de médecins et de psychiatres ont contribué à ce programme, dont Hans Asperger. Dès 1933, à Vienne, ce dernier pense qu’il faut séparer les autistes ayant un « haut potentiel » des autres, simples pantins à ses yeux. En 1934, il reçoit une formation à l’hygiène raciale. Durant la guerre, Asperger travaille dans le même hôpital qu’avant, avec les mêmes supérieurs hiérarchiques menant la politique d’euthanasie dans la ville, et il trie les handicapés. Pour lui, en 1944, les autistes moins intelligents ne sont pas dignes d’être membres du « grand organisme » nazi. Ils n’ont pas le sens de la communauté raciale. Après 1945, comme nombre de ses pareils, Asperger ne fut pas inquiété et put se refaire une virginité, réécrivant sa vie, inventant avoir été menacé par la Gestapo. Pour l’auteur, et sa démonstration est sûre autant que convaincante, Hans Asperger fut effectivement un des acteurs du tri et de l’élimination racialiste de personnes handicapées en Europe. Sa conception selon laquelle un tri doit se faire entre ceux qui méritent d’être socialisés et les autres, finalement, est toujours en vigueur. Encore une légende progressiste qui s’écroule. Pendant ce temps-là en France ? On refuse de commémorer la mémoire de Charles Maurras.
Edith Sheffer, Les Enfants d’Asperger – Le dossier noir des origines de l’autisme, Flammarion, 2019, 392 pages, 23,90 euros.
Paul Vermeulen – Boulevard Voltaire