Le gibet de Montfaucon!

Dans le 10e arrondissement de Paris, la rue de la Grange-aux-Belles est d’une affligeante banalité. Rien ne distingue les immeubles en briques des numéros 53 et 55, et pourtant, combien de fantômes hantent ces lieux où s’élevait jadis le gibet de Montfaucon ? Des centaines, des milliers… Durant des mois, leurs cadavres restaient suspendus, livrés aux corneilles, desséchés par le vent, pourris par la pluie.

C’est Saint Louis, le premier, qui décide d’ériger un gibet en bois en ce lieu. Il choisit une petite éminence dominant la route du Nord, à l’écart de Paris. Le gibet sert à pendre les condamnés, mais aussi et surtout à exposer les cadavres de tous les criminels décapités, écartelés, noyés, enterrés vivants ou même bouillis dans d’autres lieux de la capitale. Histoire d’avertir quiconque aurait des envies criminelles. Au Moyen Âge, l’imagination des juges pour punir le crime est sans limites : le faux monnayeur est bouilli dans un grand chaudron, l’homosexuel et les sorciers sont brûlés, les femmes infidèles sont enterrées vives par décence (hors de question d’exhiber leurs gambettes au bout d’une corde). Les chairs bouillies ou les membres écartelés sont enfermés dans des sacs avant d’être suspendus.

Jusqu’à cinquante cadavres simultanément

On a même pendu au gibet de Montfaucon des porcs ayant dévoré des enfants, après les avoir revêtus d’habits d’homme toujours par décence… C’est Enguerrand de Marigny, le chambellan de Philippe le Bel, qui fait remplacer le gibet en bois par une construction en pierre, plus solide. Ce sont des fourches patibulaires. Le malheureux aura le privilège de les expérimenter trois ans plus tard, condamné pour malversation financière et sorcellerie.

Le gibet est constitué d’un soubassement en pierre de dix mètres de côté et haut de quatre mètres. Il supporte seize piliers en pierres reliés par des poutres en bois. Des chaînes permettent d’accrocher jusqu’à cinquante cadavres simultanément, parfois durant des mois. Une fois les squelettes nettoyés par la vermine et les oiseaux de proie, ils sont balancés dans la fosse occupant le centre du socle. En permanence, des gardes se tiennent autour du gibet pour empêcher les parents des pendus de décrocher les cadavres. Parfois même, des barbiers-chirurgiens et des sorciers tentent de s’emparer d’un corps, soit pour l’autopsier, soit pour fabriquer des philtres magiques.

Les dernières exécutions datent de 1630, puis les lieux sont cédés à des exploitants de carrières de plâtre. En 1760, le gibet est démoli. Trente ans plus tard, les derniers piliers sont abattus.

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