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L’affaire de la fameuse publicité raciste en Chine a inspiré deux ethnologues de Hongkong, Yan Hairong et Barry Sautman, qui se sont lancés dans un virulent plaidoyer contre les mythes de la Chinafrique. « Beaucoup de gens voient les Chinois comme un bloc unique, nous explique Barry Sautman, professeur à l’université de Hongkong. La plupart de ces généralisations sont négatives, car les relations entre la Chine, les Chinois et le reste du monde sont encore marquées par des clichés du XIXe siècle et l’idée toujours très présente en
Des idées que confortent beaucoup de médias occidentaux, qui donneraient, selon eux, une image surtout négative de la Chine en Afrique. Image souvent reprise à des fins politiques, constatent les deux chercheurs. Ainsi, au Zimbabwe, quand l’opposition appelle à mettre dehors tous les Chinois, la cible est Robert Mugabe, accusé de « vendre le pays aux Chinois ».
« Il y a beaucoup de facteurs de politique interne en Afrique où les partis d’opposition se démarquent du pouvoir en s’attaquant à la Chine, de plus en plus influente sur le continent, explique Yan Hairong, anthropologue et spécialiste de la Chinafrique. Ces stéréotypes sont des réactions que je qualifierais de racistes. “La Chine pille nos ressources”, “elle a une main-d’œuvre constituée d’esclaves ou de prisonniers”. “Elle vend même de la viande humaine aux pays africains”, comme on a pu l’entendre récemment en Zambie. Mais ce ne sont souvent que des clichés véhiculés soit par la presse et les partis d’opposition, soit par certains médias occidentaux qui se complaisent à critiquer la Chine. Nos recherches ont montré que souvent la situation sur le terrain était bien différente. »(…)
« Au XIXe siècle, l’Empire britannique jouait de cette mauvaise image pour affaiblir la Chine, et on retrouve le même schéma aujourd’hui », note Barry Sautman. Les pays occidentaux ont peur de l’influence chinoise sur le continent. D’autres clichés plus récents ont la vie dure en Chinafrique. Il s’agit de l’achat massif des terres agricoles, qui n’est absolument pas avéré. « Certains journalistes pensent que le fait de raconter que les Chinois achètent à tour de bras des terres en Afrique est une histoire excitante, et l’on trouve toujours des analystes pour confirmer ce type d’informations sans aucune vérification sur le terrain. Ces informations sont évidemment reprises par la presse internationale, qui aime critiquer la Chine », explique Deborah Brautigam, l’une des grandes spécialistes de la question.
Un autre mythe concerne l’emploi d’une main-d’œuvre uniquement chinoise. « Nos recherches montrent pourtant que près de 80 % de la main-d’œuvre employée par les entreprises chinoises en Afrique est une main-d’œuvre locale, soit souvent beaucoup plus que les multinationales occidentales, souligne Barry Sautman. La différence réside dans le fait que les Chinois n’emploient pas que des ingénieurs qualifiés mais aussi des ouvriers, qui sont donc plus visibles sur le terrain et sont parfois vus comme concurrents des travailleurs nationaux. Et non, il ne s’agit pas d’esclaves ou de prisonniers… »
En 2014, Barack Obama lui-même mettait en garde l’Afrique, lui demandant d’exiger de la Chine l’emploi de travailleurs locaux, alors même que les entreprises américaines emploient plus d’expatriés que les chinoises.