Akira Kurosawa,  réalisateur japonais en plus du cinéma, fut aussi peintre, ses films sont réalisés avec une palette vive et généreuse et ses derniers projets se sont de plus en plus révélés être plastiques – n’ayons pas peur des mots, comme si Kurosawa faisait du film, une toile.

Le long-métrage auquel appartient ce sketch, Rêves, est un de ses derniers films. Tourné en 1990, il marque un certain éloignement d’avec ses narrations épiques traditionnelles, puisque l’histoire est fragmentée en huit scènes courtes, basées sur huit rêves récurrents de l’auteur, et qui suivent – comme les rêves – leur propre logique interne.

Pour la première fois de sa carrière, Kurosawa s’autorise à parler de lui-même, par l’intermédiaire de huit rêves qu’il a fait au cours de sa vie. Ce sera le film Rêves (Dreams/Yume), réalisé en 1990 (avec la collaboration d’Ishiro Honda, spécialiste des effets spéciaux) et coproduit par Steven Spielberg (pour la version internationale). On y retrouve Kurosawa à différents âges de sa vie, interprété par des comédiens différents. Akira Kurosawa a déclaré « Quand il rêve, l’homme est un génie. Il est audacieux et intrépide comme un génie. Voilà ce a quoi je me suis attache au moment de filmer ces huit rêves. Pour faire un film de ce scénario, il était indispensable de s’exprimer avec audace et sans peur… comme dans un rêve. »

Les deux premiers rêves, « Soleil sous la pluie » et « Le Verger aux pêchers », montrent le narrateur enfant observateur des mystères de la nature et de ses habitants magiques. « La Tempête de neige » réaffirme la puissance fantastique des éléments naturels. « Le Tunnel » voit ressurgir les fantômes des soldats sacrifiés au combat et toute la culpabilité et le traumatisme du peuple japonais au sortir de la Seconde Guerre mondiale. « Les Corbeaux » est une profession de foi sur la création artistique dans laquelle Kurosawa convoque Vincent Van Gogh, qui prend les traits inattendus du réalisateur Martin Scorsese. « Le Mont Fuji en rouge » et « les Démons gémissants » sont des fables apocalyptiques sur un monde dévasté par des catastrophes écologiques où les derniers hommes sont réduits à l’état de créatures monstrueuses. « Le Village des moulins à eau » conclut le film sur une note optimiste.

Le narrateur visite un petit coin de la campagne japonaise, entièrement préservé du progrès et des inventions modernes, où les paysans vivent de joies simples au rythme des saisons. La nature joue un rôle important dans tous les rêves. Kurosawa déplore son saccage par l’homme et certains rêves sont des avertissements contre la pollution et le danger nucléaire. Impossible de ne pas penser à la récente catastrophe de Fukushima devant ces images de désastre et le cauchemar d’une histoire vouée à se répéter après Hiroshima et Nagasaki (Kurosawa consacrera son film suivant, Rhapsodie en août, au souvenir du bombardement de la ville de Nagasaki.) Au-delà du message écologique, Rêves, à la manière des derniers films de Jean Renoir, est un manifeste panthéiste et un appel à la sagesse et à la communion avec les éléments naturels, contre la violence et l’absurdité du monde moderne.

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