On a beau avoir vu Anne Hidalgo, dans une réunion publique, affirmer sans ciller que les serres devant être détruites sur le jardin des Serres d’Auteuil étaient « fermées au public » alors qu’elles sont gratuites, on est toujours étonné de la manière dont cette femme politique peut raconter n’importe quoi. Une nouvelle preuve ahurissante en est fournie par le site de la Mairie de Paris, certes pas directement sous sa plume, mais au moins sous sa responsabilité pleine et entière.
On apprend en effet sur cette page consacrée à la Halle Freyssinet* et à sa restauration, que la Mairie de Paris est à l’origine de son sauvetage. L’affirmation suivante est sans ambiguïté : « Particulièrement sensible à la valeur patrimoniale de la halle, la Ville a décidé dès 2001 de renoncer à sa démolition et s’est opposée au projet d’implantation du TGI par l’État qui ne garantissait ni sa conservation ni son intégration dans le quartier. »
Ainsi, la ville (et donc la maire actuelle, Anne Hidalgo), se serait battue dès 2001 contre la démolition de la halle, ce qui lui donnerait donc le droit aujourd’hui de célébrer ce « bâtiment élégant » « futur haut lieu de l’innovation à Paris », témoignage du « Paris qui bouge ! », fière slogan qu’Anne Hidalgo a pris pour devise.
Cette réécriture de l’Histoire est tellement énorme qu’on peine à en croire ses yeux. Il est évidemment faux de dire que la ville s’est opposée à l’installation du Tribunal de Grande Instance de Paris sur les lieux parce qu’il n’allait pas conserver la halle. En réalité, comme le montre cet article du Monde, en 2004 lorsqu’il est question que le TGI s’installe à cet endroit, la ville avait avalisé un projet qui prévoyait déjà la destruction d’un tiers de la halle (et son intégration dans un grand projet immobilier). Il n’était pas question de la conserver intégralement. Et la ville a essayé jusqu’au bout d’obtenir la démolition partielle de la halle, même après son inscription monument historique !
Nous avions consacré trois articles à cette affaire. Le premier datait du 25 novembre 2011. Nous le commencions par – c’était il y a deux ans et demi à peine : « Une nouvelle fois, la Mairie de Paris est à l’origine d’une menace majeure contre le patrimoine parisien ». Car la réalité était celle-ci : la Ville de Paris, avant d’acquérir les lieux, avait posé comme condition à la SNCF, qui en était encore propriétaire, la destruction de six des trente travées qui composaient la halle. Un peu, écrivions nous, « comme si l’on amputait une église dans le sens de la longueur ». Ce que nous ne disions pas, c’est qu’au départ la ville voulait en réalité raser douze travées, soit plus du tiers. Nous racontions également comment l’inénarrable Danièle Pourtaud, l’ancienne adjointe au patrimoine du maire de Paris, qui voulait réserver la protection monument historique demandée par les protecteurs du patrimoine à 24 travées, pas une de plus, s’était complètement fait bernée à sa grande fureur.
Finalement, le 1er mars 2012, le préfet de Paris, soutenu par la DRAC d’Île-de-France qui en l’occurrence faisait son travail1 avait signé l’inscription de l’intégralité du bâtiment.
Et, il faut le rappeler ici, c’est Bertrand Delanoë, encore maire de Paris (Anne Hidalgo était première adjointe en charge notamment de l’urbanisme), qui en juin 2012, il y a donc moins de deux ans, envoyait un courrier à Aurélie Filippetti pour demander la désinscription de la halle que l’on venait juste de protéger ! Ce sont des faits. Des faits également rappelés dans cet article du Monde du 10 mars 2012 où l’on peut lire que la ville disait alors « Nous n’avons pas vocation à être des conservateurs des monuments historiques de la SNCF. Si nous ne pouvons pas faire d’acte urbanistique, il n’est pas question que nous achetions le terrain et le bâtiment »
On pourra lire aussi, pour enfoncer le clou, cet article de Vincent Noce du 1er mars 2012 où il explique que « la mairie de Paris vient de perdre une de ses batailles contre les défenseurs du patrimoine »
« La politique ce n’est pas mentir en permanence ». La phrase est d’Anne Hidalgo. Quel humour !