République Sud-africaine, la faillite de Mandela de Jean-Claude Rollinat

 

« Un million de “Sudafs” ont quitté leur patrie » !

Les élections législatives qui se sont déroulées récemment en Afrique du Sud sont passées quasiment inaperçues en raison de la « crise » en Ukraine. Notre ami Jean-Claude Rolinat, qui vient de publier République sud-africaine : la faillite de Mandela aux éditions « Les bouquins de Synthèse Nationale nous donne quelques aperçus sur l’état du pays.–

— Au vu des dernières élections législatives en Afrique du sud, l’ANC de Mandela est–il toujours autant porteur d’espoir ?

— L’ANC représente toujours aux yeux d’une immense masse de Noirs le parti « libérateur », celui des luttes anti-apartheid menées – inspirées, devrait-on dire, par Mandela, car ce dernier était derrière les barreaux – par des clandestins formés à la sauce marxiste. L’URSS avait bien vu tout l’avantage qu’elle aurait pu tirer de ce pays si elle avait pu mettre la main sur les fabuleuses richesses minières. Mais l’histoire a basculé comme elle en a le secret, telle une bonne pièce de boulevard à rebondissements, et les marxistes locaux sont devenus les agents dociles du capitalisme international dès lors que l’Union Soviétique est morte. Les héros de l’accession de la majorité noire au pouvoir s’en sont mis « plein les poches » à l’exemple de leur président, un Zoulou polygame, Jacob Zuma, qui sera probablement réinvesti dans ses fonctions par l’Assemblée nationale bien qu’il soit contesté (rappelez-vous les sifflets au grand stade de Soweto lors des cérémonies à la mémoire de « Madiba »).

Mais le scrutin du 7 mai a marqué une sorte de coup d’arrêt à la progression de l’African National Congress, qui a perdu trois points par rapport aux élections législatives de 2009. Il est contesté sur sa gauche et sur sa droite, sans compter les dissensions internes. Il tient toujours la route, tout de même, avec 62,15 %, un score qui ferait se pâmer le président Hollande !

— Pourriez-vous nous présenter Malema dont le parti, l’Economic Freedom Fighters, arrive en troisième place aux dernières élections législatives ?

— Justement, l’un des challengers de l’ANC est le nouveau mouvement créé par Julius Malema, ex-leader de la Ligue des jeunes de l’ANC, qui prône une radicalisation économique et… « ethnique » : nationalisations à tout va et expropriations sans indemnisation des fermiers blancs lesquels, menacés quotidiennement dans leur vie, assurent pourtant l’essentiel de la production agricole de la RSA. Malema, c’est l’homme du terrible slogan « Une balle, un Boer », on est loin, ici, de la nation « Arc-en-ciel » rêvée (ou vendue aux négociateurs blancs de 1994) par Nelson Mandela. Le parti de Malema, l’EFF, l’Economic Freedom Fighters, a enregistré un score honnête pour une première fois : 6,35 %, ce qui le place en troisième position derrière l’Alliance Démocratique conduite par le Premier ministre de la province du Cap, Mme Helen Zille (une Blanche) et devant l’Inkhata Freedom Party (IFP) du chef Zoulou Mangosuthu Buthelezi, en complète perte de vitesse à la suite d’une scission dans son organisation.

— Quatre millions de Noirs ont accédé à la classe moyenne, mais qu’en est-il de la population blanche, aujourd’hui, en Afrique du Sud ?

— Effectivement, au cours de ces vingt dernières années, on a pu observer l’émergence d’une classe moyenne noire d’environ quatre millions de personnes, soit plus ou moins 10 % de la population africaine, qui rivalise et souvent dépasse ses homologues des familles blanches. D’ailleurs ces dernières, exception faite du gratin cosmopolite, sont en voie de progressive paupérisation même si, dans l’ensemble, les Blancs ont encore un niveau de vie supérieur à la masse des Noirs, toutes ethnies confondues. Ce qui n’évite pas les soupes populaires pour certains Afrikaners totalement abandonnés.

— Y a-t-il un vote « blanc » ?

— Si le vote est toujours caractérisé par une pulsion « raciale » – les Noirs dans les grandes agglomérations sont totalement « détribalisés » et ne se raccrochent plus à un vote spécifiquement « zoulou », « tswana » ou « xhosa » –, de plus en plus de métis et d’Asiatiques apportent leurs suffrages à la DA, Democratic Alliance, parti réputé, initialement, comme étant celui des « Blancs ». Les « Boers » purs et durs se retrouvent au sein du Freedom Front, qui n’a pas fait d’étincelles avec un tout petit 0,90 % des suffrages, soit 165 715 voix, dont tout de même 2,10 % dans la province de « l’Etat Libre », celle de l’ex-Orange free State de la guerre des Boers ! Les Blancs, électoralement, se sont rassemblés autour de la DA et arrivent, avec leurs nouveaux électeurs noirs modérés et métis, à mettre en difficulté l’ANC dans la plus riche et la plus peuplée des provinces, le Gauteng, ex-district minier du Witwatersrand : Johannesburg-Pretoria.

Ce qui ne veut pas dire qu’ils reconquerront le pouvoir partout : pour l’instant, si l’exil cesse malgré les menaces quotidiennes qui pèsent sur la vie et les biens des personnes, ils ont de grandes chances de conserver non seulement la province du Cap, mais de gagner à leur cause d’autres villes dans d’autres régions. Mais la ségrégation par le travail, cette « affirmative action » favorable aux Noirs, est un frein pour les jeunes Blancs qui veulent se lancer en économie. Sans oublier la mauvaise qualité de l’enseignement, en dehors de l’éducation privée.

— Quelle a été l’ampleur de l’exil ?

— Des « biltongs » reviennent, ces Blancs nostalgiques sans doute de cette viande de brousse séchée, en tout cas c’est ainsi qu’on les appelle, mais en vingt ans deblack power un million, oui, un million de « Sudafs » ont quitté leur patrie pour aller s’installer au Canada, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande et même en Australie (20 000 rien qu’à Perth). Phénomène curieux à noter et qui prouve l’excellence des fermiers afrikaners, le Mozambique, le Congo et la Géorgie ont offert des terres aux Boers pour qu’ils viennent les cultiver, tandis que des ouvriers agricoles noirs ont demandé à leurs patrons de rester sur leurs domaines transformés en coopératives pour les faire profiter de leurs connaissances. C’est un beau pays, un grand et très beau pays. Il y a de la place pour tout le monde. Espérons qu’un Malema ne devienne pas un nouveau Robert Mugabe qui, en trois décennies, a affamé son pays, le Zimbabwe voisin.

Propos recueillis par Catherine Robinson

République sud-africaine : la faillite de Mandela de Jean-Claude Rolinat, éd. Les bouquins de Synthèse Nationale, 116 rue de Charenton 75 012 Paris ou chez DPF, Chiré en Montreuil ou dans toute bonne libraire nationaliste de Paris ou province. 186 pages, 18 euros.

Lu dans Présent

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