Les amateurs de télévision – il y en a – connaissent bien une dénommée Christine Angot, chroniqueuse de l’émission « On n’est pas couché » animée par l’exécrable Laurent Ruquier. Dans ce temple du politiquement correct et de la dérision ricanante, à l’image du journaliste qui se croit drôle, cette dame pérore, insulte, dézingue à tout va, sans contradiction cela va sans dire. C’est drôle, très drôle si l’on en croit l’inénarrable Ruquier, toujours satisfait de lui-même, qui s’esclaffe pour un oui ou pour un non. Pourtant, le regard de madame Angot n’incite pas à rire. La hargne, ou plutôt la haine, qui en émane n’a rien pour réjouir. Sauf, peut-être, ses sectateurs.
Samedi 21 avril, Ruquier recevait Jean-Luc Romero, un des grands hommes (si l’on peut dire) de la résistance au mal. Homosexuel militant, fondateur de GayLib, mouvement un temps associé à l’UMP, ardent militant de l’élimination des vieillards inutiles et coûteux (il appelle ça mourir dans la dignité, une petite piqûre, et hop !), le personnage était en terrain conquis, entouré d’admirateurs zélés. Au point que Ruquier, jamais en veine de bassesse, a commencé par une exécution en règle de Jean Leonetti, auteur de la loi éponyme sur la fin de vie. C’est dire…
Lorsque son tour fut venu, madame Angot (11′), pas dépourvue, a concentré sa furie sur les bénévoles qui interviennent au sein des unités de soins palliatifs. Soit ces personnes qui prennent du temps, beaucoup de temps, pour accompagner tous ceux qui vont mourir. Pour leur parler, leur tenir la main, les apaiser, apaiser leurs familles et les aider à vivre leur deuil. Ces gens qui savent que la mort fait partie de la vie, qu’elle est profondément angoissante et que notre société en a fait un tabou. Ces gens qui permettent aux cancéreux et autres malades incurables d’être regardés jusqu’au bout avec un regard bienveillant. À moins que ce ne soit simplement ça, mourir dans la dignité : être vu comme une personne jusqu’à la fin.
Dans le viseur de la redresseuse de torts, JALMALV (Jusqu’à la mort accompagner la vie), une association ancienne et active dans ce milieu. Catholiques intégristes, lobby puissant qui s’insinuerait dans les services de soins, habiles à dissuader les malades de recourir à la sédation : tout y est passé. C’était pitoyable et haineux. D’une haine qu’on n’aimerait pas ressentir aux ultimes moments, n’en déplaise à cette dame.
Les intéressés étaient absents, incapables de répliquer. Ils ont diffusé un communiqué et saisi le CSA. C’était bien la moindre des choses. Mais, surtout, ces gens de bien ont autre chose à faire que de polémiquer avec une telle furie. Avec intelligence et réactivité, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a répondu, dignement. Elle a invité madame Angot à passer une journée dans un centre de soins. « Venez, nous vous accueillerons. Alors, nous pourrons parler. »
Nul doute que l’intéressée ne répondra même pas à cette scandaleuse invitation. Parler, mais pour quoi faire ? Son rôle à elle, c’est de cracher du venin à la figure de tous ceux qui pratiquent le bien, la véritable solidarité, la bienveillance et l’amour du prochain.
Allez, Madame, votre tour viendra. Dans votre sommeil ou en pleine rue, dans la souffrance ou dans l’inconscience, ou peut-être dans un centre d’euthanologie.
Et pourtant, qui sait ? Qui sait si madame Angot, à l’heure de la mort qu’on lui souhaite paisible, ne ressentira pas la terrible angoisse de celui qui, dépourvu de foi et d’espérance, ne sait pas où il va ? Si, ignorante de la lumière, elle ne hurlera pas sa peur d’un noir définitif et terrifiant ? Si, convaincue d’un « après », elle ne souffrira pas les affres de l’inconnu ? Et si, ce jour-là, un humble anonyme était à ses côtés…
François Teustch – Boulevard Voltaire