Dans une de ses épigrammes restée célèbre, le poète Martial moquait ses contemporaines en ces termes – vachards, vous en conviendrez : « Pour les soins que Louise prend et du plâtre et des pommades, les visites qu’elle rend sont autant de mascarades, pour elle, soit bien, soit mal, il est toujours carnaval. »
Autant dire que l’Eternel féminin en prenait un sacré coup. Pour sa part, Ovide, dans son Art d’aimer était nettement plus aimable avec la gent féminine et donnait même des leçons de beauté aux belles de son époque. Une époque où ciseaux, grattoirs, rasoirs, strigiles, brosses pour les dents, les ongles, les cheveux et même les sourcils, peignes de toutes sortes, pâtes, crèmes, extraits de senteurs, fards rouges, blancs et bleus pour simuler les veines, fausses nattes, pommades astringentes ou adoucissantes, pâtes épilatoires, perruques et autres fausses dents faisaient partie de la toilette quotidienne. Sans oublier les pots à onguents et différents objets de toilette retrouvés dans des fouilles, aussi bien en Egypte qu’en Grèce ou en Italie, et qui montrent le degré de raffinement des nobles Egyptiennes et des belles Romaines auxquelles nous n’avons rien à envier. Et rappelons que, contrairement à une légende malheureusement bien répandue, les soins de beauté faisaient également partie des préoccupations de la femme au Moyen-Age comme l’a admirablement écrit Régine Pernoud dans ses ouvrages et comme l’avait montré une exposition du musée de Cluny (« Le bain et le miroir », Présent du 4 juillet 2009).
Usages et beauté au siècle de Louis XV
La découverte de la porcelaine au XVIIIe siècle suscita aussitôt la fabrication de toutes sortes d’objets de toilette comme le montrent les registres de vente de la manufacture de Vincennes et de la manufacture royale de Sèvres qui lui succéda. On peut y suivre les livraisons de ces innombrables pots à pommade, pots à rouge, pots à fard, de ces baignoires d’yeux, de ces pots à eau et cuvettes, de ces bassins à barbe et de ces pots de chambre. Et l’on se rend vite compte de l’importance de la production comme de la variété des formes et des décors de cette porcelaine.
Le service de toilette
Dès 1752, la manufacture de Vincennes rassemble des objets qui constituent le service de toilette. Ils sont composés souvent d’une petite dizaine de pièces, allant des pots à pommade aux fameuses boîtes à mouches en passant par les boîtes à racines, que l’on mâchait régulièrement pour éviter la mauvaise haleine.
Le succès de ces objets fut complet. Ainsi, une demoiselle Martin, parfumeuse de son état à Paris, fit une première commande de onze pots à rouge en 1771. Près de quinze ans plus tard, en 1785, elle en commandait… 2 000. Qui dit mieux ?
Ces différents objets, tous plus gracieux les uns que les autres, prenaient place sur une table habillée d’étoffes précieuses, comme le velours, le taffetas ou le brocart, et spécialement construite pour les recevoir.
Les belles boîtes
Les boettes, comme on les appelait au XVIIIe siècle, faisaient pendant aux pots et servaient à loger peignes, fards, poudres et autres mouches. En porcelaine, en métal précieux, en écaille ou en ivoire, ces boîtes à mouches avaient un compartiment intérieur formé de deux casiers pour les mouches de velours et de taffetas, la colle et un logement spécial pour le petit pinceau servant à les appliquer. Chacune de ces mouches avait un nom. Placée près de l’œil, elle se nommait la passionnée ; au coin de la bouche, la baiseuse ; sur les lèvres, la coquette ; sur le nez, l’effrontée ; sur le front, la majestueuse ; sur un bouton, la voleuse. Autant de qualificatifs qui ne devaient pas déplaire à Montesquieu qui décrivait la « mouche » en ces termes : « Le rôle d’une jolie femme est beaucoup plus grave qu’on ne pense. Il n’y a rien de plus sérieux que ce qui se passe le matin à sa toilette. Un général d’armée n’emploie pas plus d’attention à placer sa droite ou son corps de réserve, qu’elle n’en met à poster une mouche, dont elle espère ou prévoit un succès ».
La poudre, elle, était indifféremment utilisée par les hommes comme par les femmes et faisait même partie de la tenue militaire. Le monopole de sa fabrication fut finalement accordé aux gantiers, ce qui provoqua d’ailleurs de nombreux démêlés avec les merciers, les barbiers et les amidonniers. S’ajoutaient à cela de belles boîtes à savon et à éponge qui reprenaient les modèles traditionnels de l’orfèvrerie. Mais ces messieurs n’étaient pas oubliés puisque, dès 1753, la manufacture de Vincennes livre des bassins à barbe.
Tout un art de vivre qui culmina à Versailles et dont Marie-Antoinette fit un bel usage, comme a pu en témoigner Madame Campan dans ses Mémoires quand elle décrit la Reine prenant son bain dans une baignoire sabot à couvercle qu’on apportait dans sa chambre : « Sa modestie était extrême dans tous les détails de sa toilette intérieure ; elle se baignait, vêtue d’une longue robe de flanelle boutonnée jusqu’au col, et, tandis que ses baigneuses l’aidaient à sortir du bain, elle exigeait que l’on tînt devant elle un drap assez élevé pour empêcher ses femmes de l’apercevoir. » Le même souci de modestie ne semble pas être la marque de fabrique de l’épouse de celui qui nie l’existence de la culture française.
Photo : Peigne du XVe siècle en ivoire, avec des scènes de l’histoire de Suzanne au bain (école bourguignonne). Florence, musée national du Bargello.