Cette année, le prix Pelléas, récompensant chaque année le plus bel ouvrage littéraire sur la musique, a été décerné à Julien Teyssandier pour son livre intitulé sobrement Arvo Pärt (aux éditions Pierre-Guillaume de Roux). La lecture de ce beau texte est l’occasion de (re)découvrir la vie et l’œuvre magistrale de l’immense compositeur estonien.
Difficile de résumer la musique d’Arvo Pärt en quelques lignes : un itinéraire musical hors normes, qui débute par la découverte de la musique occidentale de son époque – donc forcément suspecte aux yeux des autorités, rappelons que l’Estonie vit sous le joug soviétique – : le dodécaphonisme et la musique sérielle. Des expériences qu’il abandonnera dès la fin des années 1960. A l’heure où la jeunesse dorée occidentale met aux oubliettes ses racines et sa culture, lui, fera le chemin inverse. La recherche de la pureté originelle de la musique le fera revenir au chant grégorien, à la musique d’Ockeghem et de Josquin des Prés, non pour pasticher la musique ancienne, mais bien pour en tirer les éléments lui permettant d’affirmer son écriture propre, qu’il mettra d’ailleurs du temps à trouver. Sa musique devient plus intérieure, plus épurée ; apparaît alors peu à peu le tintinnabuli, le noyau fondateur de la musique de Pärt, à mi-chemin entre la simplicité du son des cloches, le mélange « fusionnel » des notes et des voix et les accents du chant orthodoxe. Au fil des années, Pärt se tournant encore plus vers la musique sacrée, la censure politique se fera plus pressante, provoquant en 1980, l’exil du compositeur à Vienne puis Berlin où il vit toujours.
Ecoutez, ne serait-ce que Fratres (dans sa version pour violon et piano), Für Alina ou encore Spiegel im Spiegel et vous découvrirez toute la beauté – un terme rarement utilisé de nos jours pour décrire les œuvres contemporaines – et la profondeur de l’œuvre de Pärt. Et si vous voulez monter encore plus haut, écoutez son Magnificat ou son De Profundis. Alors, les revirements de Monsieur Fillon et les palinodies de Monsieur Macron vous sembleront alors vraiment très lointains… et bien vains.