Le grand musée réalise le vœu de tout visiteur un peu curieux : voir les coulisses. On pénètre dans le Musée Histoire de l’Art, à Vienne, comme par effraction : un savant montage nous guide dans ce voyage fascinant au milieu des employés, dans les salles de stockage, lors des préparatifs de l’ouverture de la Kunstkammer. Quand elle est inaugurée, lors d’une réception solennelle, le film s’achève presque. Presque, parce que le plus émouvant passage, de longs travellings très fluides sur des œuvres diverses et qui s’achèvent en apothéose sur La Tour de Babel de Brueghel, vue de très près, redonne au musée sa fonction première, loin du bruit humain et de toute l’agitation que nous venons de vivre.
Holzhausen a eu accès, non sans difficulté, à des lieux très fermés ; il a pu filmer des gens au travail (et quel travail !). Ce qu’il nous donne à voir, c’est un rapport intime avec la vie interne du musée. Mais sa sélection met en valeur d’abord l’humain dans sa complexité : la rage d’un restaurateur devant un mécanisme qui bloque, le dépit de ne pouvoir acquérir quoi que ce soit dans une vente aux enchères (petite pique sur ce qu’est devenu le marché de l’art), la souffrance qu’exprime une gardienne devant le manque de reconnaissance, l’émotion quand un couple âgé lègue un uniforme prestigieux ayant appartenu à leur père et surtout, l’extraordinaire minutie, la patience, la passion qui anime tous ces artistes méconnus, travaillant au plus près des œuvres. En contrepoint, les réunions et les décisions de marketing, sans doute également nécessaires, nous ont paru aussi creuses que la visite du président.