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« Celui qui donne du lustre, de l’éclat ». Cette définition extraite du Petit Littré à la rubrique « illustrateur » s’applique parfaitement au propos de cette exposition : la découverte de cet éclat particulier des livres et des revues illustrés par Andy Warhol. Son style original, jouant sur le détail et la démesure a immédiatement attiré l’attention des rédacteurs de magazines ou des éditeurs de livres des années 50. Ils s’empareront très vite de l’imperfection contrôlée de son dessin pour en faire un outil publicitaire, créateur de désir. Les deux sujets préférés d’Andy Warhol, les voitures et les chaussures de femmes, symboles emblématiques, s’il en est, du consumérisme américain de l’époque, sont des thèmes qu’il développera tout au long de sa carrière. Les pages de dimension réduite, ici montrées, sont le premier terrain d’exploration de toutes les techniques qu’il développera en tant que représentant du Pop Art, à l’aune de son goût pour la démesure et pour l’inlassable répétition.
Andy Warhol illustra une centaine de livres et plus de 400 numéros de revues. Si la majeure partie de cette production concerne les années comprises entre 1949 et 1962, année durant laquelle il arriva à NY et qui est considérée comme la naissance de l’artiste, Andy Warhol poursuivit en réalité ce travail bien après et jusqu’à sa mort prématurée en 1987. Dès son arrivée à New York, son talent manifeste attira immédiatement l’attention des directeurs artistiques de revues et de maisons d’édition et lui permit un rapide succès. Ces premiers travaux furent commandités par d’importantes revues littéraires, comme Harper’s Magazine ou Theatre Arts afin d’illustrer et d’accompagner récits et pièces de théatre. Parallèlement, il obtint de nombreuses commandes d’illustrations de couvertures de romans de la part de la maison d’édition Doubleday à New York ainsi que d’autres maisons d’éditions à grand tirage.
L’été 1951 fut cependant le tournant décisif de sa carrière lorsque les prestigieuses revues Harper’s Bazaar et Glamour lui confièrent les illustrations de leurs pages de mode et de publicité. Warhol, passa dès lors, maître en l’art de rendre fabuleux l’ordinaire du quotidien.
Ses fines chaussures, allongées et pointues, s’animaient et devenaient vivantes et attrayantes, extraordinaires et impossibles à ignorer. On y voyait à quel point le dessin dans la publicité pouvait transcender le simple message utilitaire et, au-delà de la représentation de l’objet, transmettre l’idée du glamour et de l’élégance sophistiquée.
Les frontières entre l’Art et l’art du commerce pouvaient alors tomber. Warhol, qui dans les années 60, commençait à peine à exposer ses œuvres en galeries, cessa dès lors, de différencier son travail d’artiste et son travail d’illustrateur. Les fameuses boîtes de soupe Campbell furent présentées hors de leur contexte habituel : isolées et mises en évidence, elles devinrent des objets intemporels, des oeuvres d’art à contempler en dehors de leur fonction d’usage. En outre, les toiles de grande dimension offrirent à l’artiste une échelle bien plus adaptée à la dimension esthétique de son travail que celle de pages de livres ou de revues.
Il employa le même procédé pour ses portraits de célébrités ; en transposant sur la toile l’image gigantesque d’une star, déjà largement reproduite dans les revues, il en amplifiait le mythe et sa consécration définitive. Warhol illustrateur comprit parfaitement le fonctionnement de la société de consommation et ses mécanismes dans l’imaginaire collectif. Il décida un jour qu’il était temps de le transformer en Art, d’amener les rayonnages des supermarchés dans les musées et les galeries, et de rendre l’Art consommable, comme tout autre produit commercial. Toutes les frontières entre Art et illustration furent effacées et Warhol, en parfait interprète de son temps, en fut l’indiscutable artisan.
Le Pop Art était né.
Durant quatre décennies, il utilisa sans discontinuer ses extraordinaires dons d’illustrateur. Cette sphère encore peu explorée de son talent, jamais étudiée de manière systématique et en partie inconnue car éclipsée par son œuvre d’artiste, reste néanmoins passionnante et révélatrice. La redécouvrir nous ouvre la voie à une approche insolite voire nouvelle de l’art d’Andy Warhol.
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Jusqu’au 31 juillet 2016