Ainsi donc, Nathalie Loiseau est tête de liste LREM. Sous les feux de la rampe, au front en première ligne, elle est donc la cible, elle devait s’y attendre, de tirs d’artillerie nourris. Dura lex, sed lex. Reste à évaluer leur degré de gravité.
Pour comprendre qui se cache derrière le tailleur sage de directrice d’école – l’ENA plutôt que le cours Florent, on l’aura compris avec le laborieux coup de théâtre annonçant sa candidature -, chacun s’est donc précipité sur son livre-témoignage. Le titre, Choisissez tout, s’inspire d’une citation de sainte Thérèse de Lisieux. Il faut dire que Nathalie Loiseau se présente comme catholique pratiquante. Favorable au mariage pour tous, à la PMA et à la GPA, oui, c’est vrai, mais après tout, il y a bien des vegans qui mangent du poisson, confer les mésaventures récentes d’une youtubeuse célèbre, alors, n’est-ce pas…
Si la première partie ressemble à des mémoires (version pompidolo-giscardienne) d’une jeune fille rangée passablement fades – pas plus que Sarah Bernhardt, n’est Simone de Beauvoir qui veut -, la deuxième se veut une réflexion sur la diversité du monde, sa carrière de diplomate lui ayant, pense-t-elle, prodigieusement ouvert l’esprit. Il est donc gentil de sa part (ne la remerciez pas, c’est bien normal) de vouloir en faire profiter les gueux obtus dans notre genre qui ont si peu quitté leur plancher des vaches national.
Ainsi a-t-elle compris que « ce qu’aujourd’hui, en Europe, nous appelions la famille, n’était un modèle ni universel, ni intemporel. Et quand [elle] entend crier sous [ses] fenêtres qu’un enfant, c’est « un papa + une maman », [elle] pense à tout ce [qu’elle] a vu en Afrique et cela [la] fait sourire. » Même si elle reconnaît, plus loin, que la « petite sœur » (sic) imposée par leur mari à certaines femmes africaines était vécue par celles-ci comme un drame. Concédons, au moins, au modèle-familial-européen-qui-fait-sourire ce tout petit avantage : il évite la polygamie.
Mais c’est surtout un autre passage qui a fait sursauter Lydia Guirous, suscitant son indignation sur Twitter. Il y est question de ce « fameux » voile islamique, source de toutes les discordes : « Pourquoi notre société se fixe-t-elle si ardemment sur et surtout contre le voile des musulmans ? » s’étonne, candide, Nathalie Loiseau. « Avons-nous tant de leçons à donner, nous qui couvrions la tête des femmes dans les églises il n’y a pas si longtemps ? Nous dont les grands-mères ne seraient jamais sorties en cheveux ? Pourquoi le foulard islamique nous dérange-t-il davantage que le voile de Mère Teresa ou de Sœur Emmanuelle ? »
« Les foulards islamiques lui font penser aux tenues de l’Angleterre victorienne » (resic). Pourquoi s’en inquiéter ? Puisque, rajoute-t-elle, cette Europe « pudibonde » n’a « guère duré ». « Derrière très vite la Belle Époque, les années folles ont changé la donne. » Et voilà une affaire rondement menée, tout est réglé, embrassons-nous, Folleville.
« Alors là, avec Loiseau, je crois qu’on a déniché l’aigle royal », ironise Maître Goldnadel, « Aurélien Taché peut aller se rhabiller avec son serre-tête ». Et aussi Christophe Castaner, avec le voile catholique de maman. Cette fois, pardon, on a gravi une marche vers le paradis, c’est de saintes qu’il s’agit !
Que Lydia Guirous ou Maître Goldnadel ne soient pas charmés par le furieux optimisme de la dame ne doit pas, en soi, l’empêcher de dormir. Il y a fort à parier qu’elle ne tablait sur leur voix. Plus ennuyeux, en revanche, est le résultat du dernier sondage de l’IFOP pour la fondation Jean-Jaurès évaluant l’opinion des sympathisants LREM sur la laïcité : à 87 %, ils sont favorables à la loi de 2004 l’interdisant dans les écoles, collèges et lycées publics, à 89 % à la loi de 2010 interdisant le port d’un voile intégral dans la rue et les espaces publics.
¡Caramba! Et si Emmanuel Macron avait fait une tragique erreur de casting ? « Choisissez tout »… mais surtout pas elle.
Gabrielle Cluzel – Boulevard Voltaire