Au terme d’un marathon nocturne, les amendements à la loi santé déposés en vue de supprimer la clause de conscience et d’élargir les compétences des sages-femmes aux IVG chirurgicales ont été abandonnées. Sans faire de vague.
Dans la nuit de de vendredi à samedi, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi santé. L’article 17 abordait les questions liées à l’avortement : statistiques, extension de la compétence des sages-femmes aux IVG chirurgicales, suppression de la clause de conscience.
Hormis les questions de statistiques, qui ne représentaient pas de réel enjeu, les autres questions, votées dans la nuit et en présence de peu de députés, n’ont pas fait l’objet de débats.
Si l’article 17, sur la suppression des bulletins statistiques IVG, a été adopté (cf. Projet de loi santé et IVG : peu d’enjeux), les deux amendements sur l’extension de la compétence des sages-femmes aux IVG chirurgicales ont été rejetés avec avis défavorable du rapporteur public et du Gouvernement. Tous deux considéraient que la compétence des sages-femmes avait déjà été élargie par la loi de santé de 2016 et qu’il n’était pas nécessaire, pour le moment, d’aller plus avant. Ils ont ajouté que la proposition ne faisait pas l’unanimité dans les syndicats de sage-femme, que l’acte était complexe et qu’il nécessitait « la présence d’un chirurgien vu les complications éventuelles ». Enfin, une enquête est en cours afin d’identifier les difficultés d’accès à l’IVG sur les différents territoires.
Les deux amendements sur la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG ont été rejetés avec avis défavorable du rapporteur public et du Gouvernement. Tous deux considéraient que supprimer cette clause serait contre-productif et restreindrait le droit à l’IVG. D’ores et déjà, cette clause donne obligation au médecin objecteur d’informer la patiente de son refus et de lui transmettre les noms de praticiens qui réalisent l’avortement. La ministre a considéré que si la clause de conscience disparaissait, la femme devrait se débrouiller par elle-même, choisir un autre médecin, et ainsi risquerait de dépasser les délais d’avortement. Elle a souligné à ce titre que la suppression éventuelle de la clause n’améliorerait pas l’accès à l’IVG et « sur le fond, si l’objectif est de forcer les médecins à faire des IVG, on sait très bien qu’ils ne le feront pas ». Pour elle, la clause de conscience a l’avantage d’afficher les intentions directes du médecin et d’éviter aux patientes de perdre du temps.
Au long de leur prise de parole, le rapporteur public et la ministre de la santé se sont justifiés d’être des fervents défenseurs d’un droit à l’avortement. Agnès Buzyn a affirmé : « Personne ne peut imaginer que je sois contre l’IVG et contre l’accès à l’IVG pour les femmes ». Cependant, elle a apporté quelques nuances à cette prise de position tranchée : « Je suis de très près le nombre d’IVG en France, on pourrait souhaiter qu’il y en ait moins, ce n’est pas un acte anodin, mais en réalité les chiffres sont stables donc je n’ai aucun marqueur macroscopique pour montrer qu’il y a aujourd’hui des difficultés d’accès à l’IVG. » Et aussi, « le fait que le chiffre soit stable c’est à la fois un bon marqueur d’accessibilité et à la fois un marqueur dont on souhaiterait qu’il soit en diminution » (cf. Analyse comparée des lois sur l’IVG : vers une prise de conscience au Sénat ?) Pour autant, les mesures de préventions tardent à voir le jour et le « tout avortement » est encore la seule politique publique qui a le vent en poupe (cf. 216 700 IVG en 2017 : A quand une politique de prévention ?). « Mon corps, mon choix », est-ce vraiment toujours le cas (cf. Suppression du délai de réflexion pour une IVG : Gènéthique invite à témoigner) ?
Le vote de la loi se fera par scrutin solennel mardi 26 mars à 16h30 en séance publique.
Le sénateur Alain Milon (LR), nommé rapporteur public de ce projet de loi, a annoncé que le texte serait examiné en séance publique au Sénat le 13 mai prochain.
Source : GENETHIQUE