Par Yves Chiron
Bernard Le Calloc’h, diplômé de l’INALCO (Langues’O), a enseigné au lycée français de Gödöllo, en Hongrie. Il a publié plusieurs ouvrages historiques en Hongrie et s’est intéressé à plusieurs « peuples en péril », titre d’une collection où sont parues les trois études qu’il a consacrées aux Csangos de Moldavie, aux Sicules et aux Sabbataires de Transylvanie (ouvrages recensés ici). Ses travaux lui ont valu d’être décoré de la Croix d’or de l’ordre du Mérite par le gouvernement hongrois.
Aujourd’hui, il publie une Histoire de la Hongrie qui, malgré son caractère synthétique, restera un ouvrage de référence, parce qu’il compte des compléments et des annexes qui occupent presque autant de place (p. 217-434) que le corps du récit lui-même. On trouve d’abord un index des noms qui est aussi, pour les personnages, un dictionnaire biographique. Puis un index locorum, qui donne la correspondance des toponymes en différentes langues (par exemple Vienne se dit Bécs en hongrois et Wien en allemand, le Danube est le Duna en hongrois, le Donau en allemand, etc.). Suivent six cartes de la Hongrie à différentes époques de son histoire, une chronologie en près de 60 pages !, une liste des souverains de Hongrie (dix dynasties, des Arpadiens, fin IXe siècle, aux Habsbourg-Lorraine de la fin du XVIIIe siècle au XXe siècle). On trouvera encore un glossaire, puis huit pages sur les grandes armoiries du « royaume stéphanique », et encore sept pages de chiffres et de statistiques. Sans oublier un très beau cahier photographique central, avec d’abondantes légendes.
Onze siècles d’histoire
Les origines les plus lointaines des Hongrois actuels sont difficiles à discerner. Bernard Le Calloc’h, qui est un spécialiste des langues finno-ougriennes, relève que « par sa langue, le peuple hongrois (…) se trouve en liens de parenté avec les finnois de Finlande, les Estoniens et les Lapons ». Sept tribus hongroises se sont réfugiées au IXe siècle dans la région qui va du Dniepr au bas Danube, pour échapper à la déferlante des Petchenègues venus d’Asie centrale. Une de ces tribus, la tribu Megyer, a pris la prépondérance sur les autres, d’où le nom de Magyars donné à cette population, dont le premier grand prince fut Arpad.
Le Calloc’h affirme : « La Hongrie est un Etat qui compte plus de onze siècles d’existence et qui, en plusieurs moments de son histoire, a joué un rôle capital sur l’échiquier diplomatique. Au Moyen Age, elle fut un royaume beaucoup plus étendu et beaucoup plus puissant que la France des Capétiens. » Plus puissante dans son aire d’influence peut-être, pas la première puissance d’Europe.
On pourra faire un autre petit reproche à l’auteur. A la fin de son évocation, très sobre, des tentatives de restauration, en 1921, de l’empereur Charles Ier (qui est le roi Charles IV pour les Hongrois), il écrit : « Découragé, le roi sans couronne émigre à Madère. » Non, il n’a pas « émigré ». Après avoir tenté de reprendre le pouvoir, il a été assigné à résidence dans un monastère puis emmené, sous escorte anglaise, vers son ultime destination. L’île de Madère fut son Sainte-Hélène.
L’évocation de la période communiste est plus exacte. Le Calloc’h rappelle le soutien militaire de la Hongrie communiste, « sans l’ombre d’une hésitation », à l’écrasement du « Printemps de Prague » en 1968. Il précise encore que, dans les années 70-80, le pouvoir s’appuie « sur à peine 5 % de la population ».
La Hongrie a connu une domination musulmane (un pacha turc résida à Buda de 1541 à 1686). De cette période, il ne reste que le mausolée de Gül Baba, dont l’auteur nous dit que « l’entretien du tombeau revient à la République de Turquie ». Le 2 septembre 1686, l’armée impériale de Léopold Ier (avec le soutien de Vénitiens) a libéré le fort de Buda après 145 années d’occupation turque.
• Bernard Le Calloc’h, Histoire de la Hongrie, éditions Armeline, 434 pages.