Il fut un temps ancien où invectiver ses contemporains portait à conséquence. Un mot de trop, une cabale, une insulte et vous vous retrouviez à l’aube les pieds dans la rosée, une épée en main pour laver votre honneur. Le front perlé de sueur, en bras de chemise entouré de vos deux témoins, il en aurait fallu moins à notre gentleman pour tourner sept fois sa plume dans son encrier avant de diffamer.
Le politiquement correct a définitivement coupé court à cette pratique considérée comme barbare. Ainsi va la vie : notre belle époque est propice aux torrents de boue déversés à longueur d’antenne et de colonne sur des bases souvent mouvantes si vous avez le bon goût d’être non grata dans le camp du bien.
À la fin de l’hallali, un entrefilet inversement proportionnel au tsunami accusatoire rétablira la vérité si le jugement n’est pas conforme aux attendus.
Prenons l’affaire Fillon qui, comme dans un mauvais feuilleton, voit fleurir tous les jours – printemps présidentiel oblige – nombre d’accusations plus ou moins fondées, plus ou moins délirantes, si bien que, prochainement, pour faire peur aux enfants, nos pédagos nationaux afficheront son portrait dans les écoles tel un croque-mitaine.
Imaginons, maintenant, François Fillon, veste forestière et sourcils broussailleux à souhait, mettant en joue le dernier couard en date en la personne du journaliste du Canard enchaîné qui nie avoir décrit l’utilisation par Normal Ier des moyens de l’État pour nuire à ses opposants politiques, bien que cela figure noir sur blanc dans son ouvrage. Autrement dit, l’existence de ce « cabinet noir » évoqué par le candidat de droite à l’élection suprême. Vous avez l’image ? Ça aurait de la gueule, non ?
Le rétablissement du duel au premier sang obligerait ces Saint-Just des temps modernes à assumer les conséquences de leurs actes. Point de nostalgie dans mon propos, si ce n’est une pensée pour l’arrière-grand-père de votre serviteur qui s’est battu à trois reprises pour l’honneur, dont une fois contre le directeur du journal bien mal nommé Les Droits de l’homme, qui l’avait diffamé en 1898.