« L’islamisme pousse ses pions partout à travers le monde »

Jean Messiha analyse la crise politique en Algérie et, en particulier, les enjeux de l’élection avec la candidature de Rachid Nekkaz, opposant médiatique au président Abdelaziz Bouteflika. Il incarne, selon lui, « un faux nez de l’islamisme ».

Rachid Nekkaz semble faire partie des candidats médiatiques à la succession de Bouteflika. Il s’était fait connaître, en France, pour avoir combattu Marine Le Pen sur la question du burkini. La candidature de Rachid Nekkaz est-elle crédible ?

C’est aux Algériens d’en décider. Je crois qu’il est assez populaire dans la jeunesse algérienne qui, aujourd’hui, le porte. En ce qui concerne l’intérêt national français, c’est-à-dire ce qui me regarde, si la candidature de Rachid Nekkaz permet de stabiliser et de garder les jeunes Algériens chez eux, cela me va. Les vagues de migrants qui arrivent d’Algérie sont souvent des jeunes qui n’ont aucune perspective d’avenir. Ils ne croient plus dans le système politique incarné par Bouteflika et se cherchent une raison d’espérer ou de rester sur place pour avoir un avenir meilleur. Si, pour cette jeunesse, Rachid Nekkaz incarne cet espoir qui lui permet de se stabiliser dans son pays en lui offrant des perspectives, alors je dis : pourquoi pas ?
Le personnage de Rachid Nekkaz reste sulfureux. Il a déjà été condamné en France, d’une part pour avoir été un marchand de sommeil et, d’autre part, pour avoir monnayé des parrainages à l’élection présidentielle. Je crains surtout que ce ne soit un faux nez de l’islamisme.
Au temps de la révolution égyptienne, en 2011, les islamistes égyptiens (les Frères musulmans) s’étaient acoquinés avec Mohamed El Baradei. C’était l’ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Il était sérieux et présentait bien. C’était un intellectuel et un fonctionnaire international, etc. Les islamistes l’avaient choisi comme une espèce de faux nez pour s’accaparer le système politique et la scène politique égyptienne. Je crains qu’on n’ait à peu près le même schéma dans le cadre de l’Algérie avec, évidemment, la différence flagrante de personnage.
Monsieur Nekkaz n’est ni fonctionnaire international ni une personnalité sérieuse. Les islamistes cherchent toujours un faux nez qui présente bien, qui soit assez populaire et qui soit en dehors des clous qu’on imagine de l’islamisme, sans barbe, sans djellaba, etc.

Rachid Nekkaz s’était opposé violemment à Marine Le Pen sur la question du burkini.
Décathlon® est, aujourd’hui, dans la tourmente pour avoir proposé un hijab spécial course à pied. Ces deux phénomènes sont-ils liés ?

Je crois qu’il y a, en effet, une coïncidence étrange. Cela étant, il est indéniable que l’islamisme pousse ses pions partout à travers le monde. Certains pays comme l’Égypte ou la Syrie parviennent à l’arrêter. On peut les critiquer sur des tas d’autres sujets, mais sur cette question-là, il y a eu un coup d’arrêt.
L’Europe, et singulièrement la France, apparaît comme un centre mou. En réalité, cet islamisme a plusieurs caractéristiques que nous n’avons plus. Il a des finances infinies provenant de certains pays du Golfe, une volonté de conquête et d’asservissement, et surtout une certitude de lui-même d’incarner ce qui est juste et vrai. Or, tout cela, nous ne l’avons plus, à commencer par la volonté et la certitude. Nous ne sommes plus sûrs de rien. Nos élites nous ont appris un scepticisme absolu sur tout, y compris sur notre identité, sur notre histoire et sur ce que nous sommes. C’est un peu le combat du zombi et du fanatique.

Si l’élection de Bouteflika en Algérie se passe mal, craignez-vous qu’il y ait des répercussions sur la sécurité en France ?

Il est évident que l’Algérie est quasiment une question intérieure française. Ce n’est même plus une question de politique étrangère. Des millions de Français d’origine algérienne ou descendants d’origine algérienne ont des liens plus ou moins étroits avec ce pays. L’Algérie est le cas spécifique d’un pays exorbitant du droit commun du reste des nations avec lesquelles nous avons une politique extérieure.
La stabilité de l’Algérie nous importe beaucoup. Si, demain, le pays est déstabilisé et qu’il y a des vagues de migrants et une submersion migratoire en provenance de ces pays, je crains que nos dirigeants politiques ne soient pas à la hauteur. Sachant que notre gouvernement se fait en permanence le commentateur de sa propre impuissance, il serait même capable de venir nous expliquer qu’il est du devoir de la France d’accueillir l’Algérie tout entière en raison de nos engagements internationaux et de la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a donc bien là un très très grand danger et je crois qu’il faut s’en inquiéter.

Boulevard Voltaire

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