Dans un atelier de couture parisienne, des “midinettes” se rassemblent. L’humeur est mauvaise. Celles que l’on surnomme ainsi à cause de leur repas de midi pris sur le pouce (midi et dînette, ce qui donne midinette), travaillent dix heures par jour pour les grandes dames de la société, souvent bien plus oisives.
Celles de l’atelier Jenny, sur les Champs-Elysées , viennent d’apprendre que leur semaine sera amputée du samedi après-midi. Une sorte de chômage technique faute de commandes. La guerre ralentit l’activité. Le problème, c’est que les 250 couturières perdent aussi une demi-journée de salaire. Inacceptable, d’autant que de l’autre côté de la Manche, en Grande-Bretagne, les ouvrières bénéficient de leur samedi après-midi, avec maintien de la rémunération. C’est la “semaine anglaise”.
La grève est décidée . Les mots d’ordre : paiement intégral du samedi et indemnité de vie chère de un franc par jour. Cette grève est bien loin d’être la première de cette année 1917. Le thermomètre social est bien remonté depuis que l’union sacrée de 1914 l’a fait geler : 17 grèves cette année-là, une centaine en 1915 et déjà 300 en 1916. Le secteur du textile est souvent en pointe.
Quand les ouvrières de chez Jenny descendent dans la rue, leur mouvement fait sourire les passants . Avec leurs belles robes noires et leurs élégants chapeaux, elles se dirigent vers les Grands boulevards où elles entraînent d’autres maisons de couture. Elles sont décidées et bénéficient, contrairement aux ouvrières de l’armement, de la bienveillance des autorités. Les députés ne tarderont d’ailleurs pas à mettre la “semaine anglaise” à l’agenda de l’Assemblée. C’est l’ébauche de ce qui deviendra le week-end.